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Le canon de 75




                                           Avant d’aborder le prochain article sur l’artisanat
                                           de tranchée, nous tenions à vous faire partager
                                           cet article sur le canon de 75, écrit en 1915.

                                        C'est bête à dire.
                                         Je  ne  suis  pas
                                         artilleur.J'ignore
                                         les secrets du frein
                                         hyd r o p n e u m a -
                                          tique  et  les  mys-
                                        tères du tir indirect.
          Je  sais  à  peu  près  qu'un  canon  à  tir  rapide  se
       charge  par  la  culasse,  qu'on  introduit  dans  son  âme
       des gargousses qui font corps avec l'obus à raison de
       vingt coups à la minute ; que la pièce est ramenée si
       doucement dans son berceau qu'un nouveau réglage
       n'est  pas  nécessaire  après  l'explosion  de  la  charge,
       qu’en un mot le canon de 75 baptisé « Rince-Boches »
       est un bijou de construction soignée et robuste, dont les
       Allemands  ont  appris  à  connaître  et  à  redouter  les
       effets foudroyants. On m’a encore dit que cette pièce ex-
       traordinaire tire des obus à shrapnells et des obus pour
       les tirs percutants ; que les premiers, chargés de balles,
       éclatent au-dessus des troupes qu'ils « arrosent » ; que
       les seconds chargés à la mélinite et à la crésylite, après
       avoir touché le sol, ricochent et défoncent tous les obs-
       tacles.
       Enfin, je sais que ce matériel modèle, que toutes les
       autres armées nous envient, et auquel les Serbes doi-
       vent  déjà  leurs  étonnants  succès  dans  trois  guerres
       successives, est servi par un personnel merveilleuse-
       ment  entraîné,  que  leur  intervention  est  presque  tou-
       jours décisive, que les mises en batterie s'opèrent avec
       une rapidité fantastique, que les pointeurs français n'ont        du 75 L'Histoire retiendra
       pas de rivaux. Plusieurs 75 sont montés sur des auto-       Après  de  multiples  duels  d'artillerie  et  d'in-
       mobiles spéciales au châssis renforcé. Ces véhicules      fanterie en septembre 1914, l'artillerie française,
       infligent de terribles pertes aux Allemands.              même inférieure en calibre, reprend l'avantage
       Ne m'en demandez pas cependant davantage, car je ne       et  les  troupes  allemandes  sont  contraintes  à
       veux pas être surpris en flagrant délit d'incompétence…   se replier. En un mois, on avait consommé en
       Les soldats ont pour le 75 un culte qui s'explique  fa-   moyenne 700 coups par pièces de 75 ce qui,
       cilement. Quand la gaie chanson du canon se fait en-      ramené aux 3 800 pièces existantes à la mobili-
       tendre, ils savent que là-bas sur les tranchées ennemies   sation, nécessitait une production journalière de
       s'abattent l'inquiétude et la terreur. Tous les prisonniers   50 000 obus, puis 70 000 en juin 1915. Lors des
       allemands avouent que les effets de la canonnade sont     offensives du printemps et de l'automne 1915 en
       terrifiants. L'obus fauche des sections entières, il détruit   Artois et en Champagne, on parvint à placer une
       tous les abris. Son explosion est si violente que même    pièce tous les 32 mètres sur les 35 kilomètres
       ceux qui ne sont pas touchés par les éclats, éprouvent    de front. La consommation journalière en obus
       une commotion qui souvent est mortelle. Les officiers     de  75  atteindra  320  000  coups  en  septembre.
       ennemis reconnaissent eux-mêmes que le canon fran-        Les enseignements de ces offensives soulignent
       çais de campagne est très supérieur à leur 77 et on re-   qu'il  faut  une  artillerie  lourde  plus  nombreuse.
       trouve  les  mêmes  constatations  bougonnes  dans  les   Il est alors prévu d'équiper 20 régiments d'artil-
       journaux d'Outre-Rhin.                                    lerie  lourde  hippomobile  avec  des  batteries  de
                                                                 105 L et de 155 ainsi que 10 régiments d'artillerie
                                   E. Wetterlé                   lourde à tracteur.
                            journaliste à J'ai vu en 1915
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