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Nous avons choisi de vous présenter deux de ses L’autre œuvre choisie est celle du portrait du caporal
œuvres parmi les dizaines présentées actuellement Rousset, dessin au crayon graphite et à l’aquarelle sur
en espérant vous inciter à venir découvrir cette expo- papier crème. Il est lui aussi localisé, daté et signé :
sition avant sa clôture le 30 septembre 2015. « Elverdinghe le 28 juin 1916 / Lucien Ott ». Cet excep-
tionnel dessin aquarellé, connu jusqu'à présent seule-
ment par une photographie ancienne, représente l’un
des camarades de régiment de Lucien Ott : le caporal
Rousset. Agent de liaison de l’armée française, il est
ici croqué dans une tranchée, sur le front belge.
L'artiste a exposé ce dessin de son vivant. Le cliché
photographique conservé à Péronne fut pris par les
services de l'armée de Terre au moment de la pré-
sentation de l’aquarelle à un salon, sans doute pour
montrer la réalité sur le front franco-belge au grand
public et véhiculer une image rassurante du quotidien
des soldats français.
Le modèle tient un crayon dans sa main droite et un
carnet dans sa main gauche, afin de noter quotidien-
nement les fluctuations du front et les transmettre à
ses supérieurs hiérarchiques.
Étude de deux soldats dans un abri - 1916 à Boesinghe, Cette œuvre donnée le samedi 11 août 2012 par mon-
avec au verso une esquisse du premier plan.
sieur et madame Ott à monsieur Bertrand Cantinotti,
La première est une étude en remerciement de son travail sur l’artiste, est pro-
de deux soldats dans un mise en legs au Musée du Sous-Officier sous réserve
abri, réalisée à Boesinghe d'usufruit par monsieur Bertrand Calvé-Cantinotti,
en 1916 en combinant en souvenir de son grand-père Louis Calvé, de son
sur papier crème les oncle Jean-François Calvé et de mesdames Jocelyne
techniques du pastel, Chambraud et Françoise Heymès au nom de la collec-
du crayon et de l’aqua- tion Calvé-Cantinotti.
relle. Elle représente la Ce chef-d’œuvre demeure l’une des œuvres gra-
promiscuité dans les tranchées et les abris qui fut phiques majeures de Lucien Ott.
malheureusement, l’une des conséquences tragiques
du quotidien des soldats lors du premier conflit mon- Cécile Lebreton
dial. Cet étonnant dessin, si poignant, si émouvant,
met en situation deux camarades de Ott clairement
identifiés par des annotations de la main de l’artiste
au verso : Albert Brouckaert coiffé d’un bonnet et
Raymond Fostier à droite, comme si l’artiste voulait
les immortaliser à jamais au cas où ils disparaitraient
au combat, ou que lui-même ne soit tué sous le feu
de l’ennemi. La scène est quant à elle parfaitement
localisée, puisqu’elle fut croquée en 1916 à Boesinghe
(actuellement Boezinge), petite commune des Flandres
belges, au nord de la ville d’Ypres ; Ypres où eut lieu la
première attaque allemande par les gaz en 1915. Boe-
singhe fut occupée par les troupes britanniques de la
4 division dès cette année-là ; troupes qui se mêlèrent
e
à leurs alliés français et belges. Les hivers 1916-1917
furent terribles pour l’ensemble des soldats des deux
fronts autour de cette localité puisque le thermomètre
descendit jusqu’à -22°C. C’est dire à quel point cette
composition magistrale, restituant avec brio l’éclairage
artificiel de l’abri lui-même, à l’atmosphère pesante,
angoissante, stressante, et dont le premier plan avec
les écuelles des soldats étudiées préalablement méti-
culeusement par Ott au verso de l’œuvre, est admira-
blement rendu.
Ce dessin est incontestablement l’un des chefs-
d’oeuvre de l’artiste, mais aussi un témoignage
irremplaçable de l’horreur de la guerre et de toutes les
guerres en général. Portrait du caporal Rousset à Elverdinghe le 28 juin 1916