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L'artisanat des tranchées
Lampe à pétrole de tranchée.
L'exposition Lucien Ott est l'occasion pour le Musée du Sous-Officier de
présenter au public une partie de ses collections sur l'artisanat des tranchées.
L'art des tranchées ou l'art des poilus prend ses racines Dans une autre vitrine, nous pouvons découvrir un
dans ce que les spécialistes nomment « artisanat du lot d'objets qui servaient à décorer les bureaux. Au
soldat ». Il est apparu à l'époque des guerres intensives palmarès des plus fabriqués, on trouve le coupe-
avec la Révolution et le Premier Empire. Plus tard, les papier. Il est réalisé principalement à partir de ceintures
soldats des régiments napoléoniens, prisonniers des d'obus en cuivre rouge découpées et mises à plat
anglo-saxons, ont réalisé les « travaux de ponton ». par martelage, fournissant ainsi une large surface de
Dès 1914, les poilus ont développé un artisanat utilitaire travail. Le porte-plume est l'autre grand classique de
pour améliorer leur environnement quotidien via ce qui l'artisanat des tranchées. Plumes et crayons étaient
se nomma le « système D » (D comme débrouille). réunis dans un jeu de deux cartouches de Mauser.
L'équipement pour le combat au corps à corps n'était
pas prévu par l'état-major, pas plus que la vie dans les
boyaux. La gamme des premiers objets confectionnés
est très large, on trouve notamment des bougeoirs
et des couteaux de combat fabriqués à partir de
baïonnettes tordues, des bouillottes réalisées dans des
douilles d'obus de 75 et des grenades artisanales dites Un coupe-papier exposé, gravé «Alsace 1917» et un porte-plume réalisé
avec deux cartouches de Mauser. Collection MSO
« pétards de la 3 armée » utilisées par les nettoyeurs
e
de tranchées. L'aluminium est l'autre métal utilisé par le poilu. Le
Le musée présente un important lot de vases issus travail de cette matière a été la base de l'apprentissage
principalement de douille de 75. Ces objets possèdent de tout bricoleur de tranchées. Ce métal facilement
au-delà des formes (étranglement, bords dentelés, malléable est récupéré sur les têtes des fusées de 77 qui
découpures,...) de multiples techniques de gravures. coiffent les obus allemands. Les pièces en aluminium
Gravées avec des outils rudimentaires, elles étaient sont fondues facilement dans les tranchées, sur des
préalablement bourrées de papier mouillé autour d'un fourneaux artisanaux où un ancien étui de baïonnette
noyau de bois, pour supporter le choc du marteau, du servait de soufflet. Les piquets de tente, des pommes
ciseau, du burin ou du couteau, sans s'écraser, le tout de terre servent de moules. Une barre d'aluminium
prenant appui sur une souche ou une grosse bûche en (creuse) sort de ces fonderies improvisées pour être
guise d'établi. Ainsi des scènes en relief pouvaient être partagée en tronçons. Les poilus donnent ensuite à
représentées grâce à cette technique. Mais attention, ces rondelles brutes, la décoration finale avec une
l'esprit mercantile de l'homme a fait réaliser après 1918 lime, voir un simple couteau.
des vases imitant ces styles et vendus aux « touristes »
des champs de batailles comme souvenir de leur visite.
Le travail des douilles d'obus représentait déjà un tour
de force technique.
Collection du musée de vases réalisés à partir de douille d'obus, travaillés par repoussage du métal.