Page 88 - Recueil Pro Patria 1 à 150
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Le 4 septembre, à 3 heures du matin, les quatre jeeps s'approchent de la ville et foncent à 80
               kilomètres à l'heure sur la grande rue. La panique s’empare de l’ennemi  surpris par l'audace, la
               rapidité de l’attaque et la violence du feu.

                   L'action était trop téméraire.

                   En tête du long convoi l’ennemi s'organise et réagit. Ses moyens sont puissants et la riposte
               féroce. De part et d'autre, les jeeps et les camions flambent et sautent dans un enfer effroyable.

                   Tour à tour, les Français, dans ce combat inégal et fou, tombent un à un.

                   La dernière voiture, celle des Frères Djian est touchée, de plein fouet. Les trois occupants
               réussissent à se dégager et se battent  en désespérés, au corps à corps, contre les ennemis dix fois
               plus nombreux qui les assaillent à la mitraillette et au lance-flamme.

                   Ils tombent tous les trois criblés de balles à demi calcinés.

                                                         -oOOo-

                   Les corps de ces enfants reposent au cimetière de Sennecey le Grand ou, chaque année, le 4
               septembre, pieusement, les habitants de la ville viennent se recueillir. Sur le bord de la route, un
               monument très sobre porte gravé dans la pierre leurs noms, et cette inscription :

                               « Passant, souviens-toi qu'ils sont morts pour que tu vives libre »

                                                         -oOOo-

                   Élèves sous-officiers de la 54° Promotion, vous avez choisi le Sergent DJIAN comme parrain.
               C'est en pensant à lui que vous aurez à cœur de suivre son exemple de courage, d’enthousiasme et
               de foi dans  toutes les missions qui vous seront confiées.

                   Dans cette randonnée incroyable, tous se distinguent, rivalisent de courage et d'ingéniosité,
               improvisent et se surpassent.

                   Lucien pilote sa jeep avec un sang-froid invraisemblable. Il prend tous les risques, mais ses
               initiatives hardies et spontanées sont toujours heureuses.

                   Dans l'Yonne, à un passage à niveau, la voiture de tête de l'Aspirant Aubert-Stribi fonçant à
               tombeau ouvert va tomber dans une embuscade. Lucien qui le suit voit le danger, vire en pleine
               vitesse, escalade un talus impossible, franchit la voie ferrée et prend de flanc l'ennemi que ses
               coéquipiers Gilbert et l'adjudant Benhamou mitraillent à bout portant.

                   Aubert-Stribi passe sans aucun mal, fauchant sous une rafale le F.M. et ses servants.

                   Aussitôt, les deux jeeps disparaissent.

                   Une vingtaine de cadavres ennemis sont couchés  sur la voie. La randonnée fantastique  se
               poursuit.

                   Le  1er  septembre,  quatre  jeeps  et  douze  hommes  arrivent  en  Saône  et  Loire,  près  de
               Sennecey le Grand, sur le Nationale 6, précédent de deux jours à peine un convoi allemand de
               deux ou trois mille hommes  fortement armés, qui vont tenter de rejoindre le front de l'Est par la
               trouée de Belfort.

                   Les camions forment un long défilé le long du trottoir de la ville. À deux kilomètres à peine,
               le Lieutenant de Combaud décide de les attaquer avec ses douze hommes.
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