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C rèvecœur
septembre–octobre
Vue de la ligne de crêtes de Crèvecœur (Heartbreak Ridge)
Au cours du mois de juillet 1951, le BF/ONU cantonne dans la région d’Inje où il se repose et consacre beaucoup de temps à l’instruction. Les
pourparlers entrepris à Kaesong déçoivent les optimistes : il apparaît très vite que les Chinois et les Nord-Coréens entendent faire traîner en
longueur les discussions afin d’obtenir par la négociation ce qu’ils ne peuvent avoir par le succès des armes. Le bataillon fait mouvement et se
dirige dans la région du « Triangle de fer », triangle dont les pointes sont représentées par les localités de Kumwha, Chorwhon et Pyonggang,
ainsi appelée en raison de la richesse minière de son sol. Là, les Français prennent position au sud d’un massif de montagnes surnommé
le « Bol » (Punchbowl, pour les Américains) décrit ainsi par le commandant Le Mire : « Le Bol est une cuvette de 500 mètres complètement
ceinturée de chaînes dépassant 1 000 mètres. L’ennemi tient solidement les côtés nord et ouest, [alors que] les Marines se sont emparés de la face
sud et d’une partie est. Le 25 juillet la 2 Division d’infanterie relève les Marines ». Au
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mois d’août se souvient Gérard J. « les pourparlers d’armistice étant toujours en cours, les opérations sont limitées à faire des patrouilles à l’échelon section ou
compagnie […]. Le reste du temps est employé à consolider les blockhaus et à améliorer le réseau de barbelés ». Toutefois, les négociations étant au point mort
et la mauvaise foi des adversaires communistes, totale, l’état-major des Nations unies décide de relancer l’offensive afin de chasser l’ennemi du secteur du
Réservoir de Hwachon qui constitue la source d’eau et d’électricité de Séoul, mais également d’harmoniser les positions alliées et de rectifier la ligne de
front. Cette nouvelle offensive donne lieu aux combats les plus furieux de la guerre, symbolisés pour les volontaires du bataillon français par l’assaut et la
prise du piton 931, plus connu sous le nom de Crèvecœur.
« Quand on pense Crèvecœur écrit le commandant Le Mire, on se demande si le commandement avait prévu d’être entraîné dans une affaire aussi dure.
Pourtant, l’opération se justifie par la forme même du Bol dont les Alliés ne pouvaient, sans danger, se contenter de tenir le bord sud. Le Bol pris, il fallait
bien s’emparer de 983, la Colline sanglante […]. Mais une fois prise Bloody Hill, la conquête de Crèvecœur s’imposait [car], à quoi bon les batailles
précédentes si Crèvecœur restait planté comme une dague […] entre notre front et celui du IX Corps. » Les premiers assauts sur Crèvecœur, dévastée par
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les bombardements au napalm, retournée par les obus de l’artillerie, débutent le 15 septembre 1951 les pertes se révèlent effroyables pour les bataillons
américains dont les effectifs fondent après chaque tentative. Le bataillon français est engagé, quant à lui, à partir du 26 septembre, la 3 compagnie est
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désignée pour déloger les Nord-Coréens du sommet et de ses flancs : c’est le début d’une bataille qui va durer quinze jours. Lorsque le bataillon est
relevé le 21 octobre, il a perdu 60 des siens et près de 260 ont été blessés, mais Crèvecœur est, grâce aux sacrifices des volontaires français et de leurs
compagnons d’armes américains, aux mains des troupes des Nations unies.
Les combats de Crèvecœur ont révélé toutes les qualités des soldats coréens intégrés dans la 2 compagnie du
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BF/ONU depuis le mois de janvier précédent. La valeur combattive des soldats sud-coréens de la compagnie
ROK (Republic of Korea) est d’ailleurs appréciée du commandement français, comme des volontaires. Pour
Henri L., « les Coréens qui étaient incorporés avec nous au BF/ONU étaient des combattants exemplaires, très
disciplinés. Ils étaient bien intégrés parmi les combattants français ». De même, Jean P. se souvient que « c’était de
bons soldats et l’intégration fut plutôt bonne et sans problème » et, selon Claude J., ils « se révélèrent de très bons
soldats dès Twin Tunnels où ils effectuèrent des contre-attaques ; ils se signalèrent aussi lors de la prise de nuit de
la côte 851, dernier sommet de Crèvecoeur ».
Après la bataille de Crèvecœur, le BF/ONU est mis au repos et ce temps est consacré par les volontaires du premier
bataillon, qui terminent leur séjour de un an en Corée, pour préparer leur départ. Du contingent initial, pertes
et rapatriements inclus, il ne reste guère que 548 hommes, parmi ceux-ci, 36 ont souscrit un rengagement
pour un an et 4 blessés sont laissés dans les hôpitaux, leur état ne permettant pas de les transporter. Ainsi, le
rapatriement du contingent initial s’élève à 508 combattants. Le 2 janvier 1952, ils quittent définitivement la
© SHD - Textes : Capitaine Ivan Cadeau - Maquette PAO : Brigadier Teddy RAMÉ, Thibauld MAZIRE - Photographies : SHD.
Corée à bord du Sontay et entament leur retour sur la métropole.
Médaille Croix de guerre des Théâtres
Légion d’honneur
militaire d’opérations extérieurs (TOE)
Corps
Commandeur Officier Chevalier Armée Division Brigade Régiment
d’armée
1 5 10 80 190 91 211 445 285
Détail numérique par nombre de citations reçues individuellement
1 citation 2 citations 3 citations 4 citations 5 citations Total du personnel cité
430 219 88 20 2 759
Décorations étrangères : 44 Silver star et 81 bronze star. Par ailleurs, le BF/ONU reçoit 3 citations à l’ordre de l’armée et est décoré de la fourragère
des TOE, l’armée américaine lui décerne en outre 3 distinguished unit citation.
Combattant chinois blessé