Page 11 - lettre_MSO_006
P. 11
L es premiers
engagements
Wonju
Arrivé à la fin du mois de novembre 1950, le bataillon est aussitôt dirigé du Taegu où se trouve le camp
Walker. Là, les volontaires quittent leurs effets français et font connaissance avec l’intendance américaine et sa
remarquable efficacité. Après la perception de l’équipement et de l’habillement, et notamment des vêtements
grand froid bien accueillis puisque la température moyenne est constamment inférieur à 0°C et oscille souvent
autour des -10°C voire moins, les hommes reçoivent leur armement. La plupart le connaisse pour l’avoir déjà
utilisé, toutefois, une instruction plus poussée s’avère nécessaire, notamment pour les servants des canons de
57 et de 75 mm sans recul ou des mortiers de 81 mm.
Le 11 décembre 1950, à l’instar des autres bataillons des Nations unies, le BF/ONU est rattaché à une grande
unité américaine, il s’agit, pour les Français, de la 2 Division d’infanterie dont le bataillon intègre le 23 régiment
e
e
au côté des Néerlandais (38 régiment) et des Thaïs (9 régiment). C’est au sein de cette prestigieuse division,
e
e
surnommée « Indianhead » en raison de son insigne, que les Français vont désormais combattre.
Le 9 janvier 1951, après une semaine passée à couvrir le flanc gauche de la 2 DI qui combat durement pour conserver l’important nœud
e
de communications que constitue la ville de Wonju, le BF/ONU est en place. Wonju se situe au centre de la Corée du Sud, dans une région
montagneuse où aboutissent cinq routes principales. Les Chinois ont concentré leurs efforts sur cette localité qu’ils réussissent à prendre le
7 janvier après de durs combats contre les 38 et 23 régiments. Le lendemain, l’ordre tombe : Wonju doit être impérativement repris. Alors
e
e
que les contre-attaques américaines des 8 et 9 janvier échouent, du côté français, ces journées sont mises à profit pour occuper les crêtes au
sud de la ville afin de préparer l’attaque du lendemain. « La nuit se passe à peu près calme se souvient le commandant Le Mire, [mais] il fait
si froid que personne ne peut dormir ». À 5 heures du matin, le 10 janvier, le thermomètre affiche -34°C. L’aménagement des positions de
combat est rendue difficile par la dureté du sol, les manches de pelles se brisent à son contact. En milieu de matinée la bataille commence,
elle dure jusqu’à 17h30 et, malgré quatre attaques successives, les Français maintiennent l’intégrité de leur ligne de résistance. C’est au cours
de ce baptême du feu qu’ont lieu les deux fameuses
e
charges à la baïonnette de la part des 2 et
3 compagnie. À Wonju, le BF/ONU connait ses
e
premiers tués au feu, 13 au total et une dizaine
de blessés, mais il montre aux Américains toute
sa valeur. Le 28 janvier 1951, le général Monclar
déclare par ailleurs au secrétaire d’État à la
guerre « le détachement est en bon état physique
et moral. Il a gagné l’ascendant sur l’ennemi ». Le
sanglant combat de Chipyong-Ni, livré aux côtés
e
des autres bataillons du 23 régiment, va faire
définitivement accepter les Français au sein de
la 2 DI, leur valeur au combat étant désormais
e
reconnue par tous.
Aux mois de janvier et février 1951, la montée en ligne du BF/ONU se fait
dans des conditions climatiques extrêmes, la température oscille entre 0° et - 30° C
Au cours de la bataille de
Chipyong-Ni, quelques chars
Patton parviennent à rompre
l’encerclement des forces
chinoises
© SHD - Textes : Capitaine Ivan Cadeau - Maquette PAO : Brigadier Teddy RAMÉ, Thibauld MAZIRE - Photographies : SHD.
À l’issue de la batille de Wonju, le général Ridgway, commandant
la VIII e Armée rédige un ordre du jour qui célèbre le courage des
volontaires : « La baïonnette n’est peut être pas la dernière arme secrète
des nations unies, mais elle a un pouvoir agressif indiscutable. J’ai
entendu parler deux fois de la baïonnette dans la guerre de Corée, une
fois par les Turcs, une autre fois par les Français. Il sera rappeler à
toutes les unités que cet instrument n’a pas été inventé uniquement pour
ouvrir les boîtes de conserve. »
Héros de la bataille de Wonju, le sergent Pralon, le sergent-chef Raynal et le lieutenant Lebeurrier
Les témoignages divergent quant à cette action, pour les uns (Le Mire) « l’ordre d’attaque se [faisant]
attendre, [le lieutenant de la section d’assaut] occupe ses hommes quelques instants en leur faisant
mettre baïonnette au canon ». Pour d’autres, comme Gérard J. l’explication est plus pratique : « nous
étions équipés à l’américaine. Comme armement, nous avions le fusil “Garand”. Sa baïonnette était
placée dans un fourreau qui était accroché au ceinturon en toile et lorsque vous étiez assis la poignée
vous rentrait dans les côtes. Pour parer à cet inconvénient, nous la mettions au bout du canon
du fusil. Mais en cette saison, les températures descendaient à plus de -30° et les armes
étaient gelées, impossible d’enlever les baïonnettes, elles étaient comme soudées ».
L’assaut des Français étant suivi par des correspondant de guerre américain,
ceux-ci s’empare de l’événement qui est relaté dans le monde entier.