Page 13 - lettre_MSO_006
P. 13
L es combats
du printemps
le BF/ONU, une unité solide mais éprouvée
par six mois de combats ininterrompus
Le repos accordé au bataillon après Chipyong-Ni est cependant de courte durée, le 2 mars 1951, le bataillon remonte en
ligne en pleine nuit, sous la neige qui tombe et une température proche de -30°C. Le 3 mars, une partie du bataillon reçoit
l’ordre de s’emparer de la côte 1037, deux compagnies se mettent en place pour le lendemain. « Nuit calme. Froid glacial »
relève le journal des marches et opérations (JMO). Le 4 l’attaque est reportée au lendemain. Le 5 mars, la 2 Compagnie part
e
finalement à l’assaut de 1037 un piton très escarpé où, les Chinois, bien retranchés dans les abris qu’ils ont eu tout le loisir
de fortifier, n’ont qu’à laisser rouler les grenades sur les assaillants. « C’est avant d’arriver à mi-chemin de l’objectif, raconte
Charles de G., que tout l’appareil ennemi se déclencha […]. Les mortiers et les armes automatiques donnaient de tous côtés, les
tirs sûrement réglés à l’avance touchaient leurs cibles et cela tombait de toutes parts. J’avais 19 ans, comme beaucoup de mes
camarades, je voyais tout se dérouler comme dans un
film et je n’en croyais pas mes yeux. Malgré les distances
respectées, chaque portion de chemin gagné, un de nos
frères était abattu. […]. Chaque camarade qui tombait
semblait déposer sa croix, oui ! C’est cela, un vrai chemin
de croix, j’étais stupéfait ! Quels hommes ! Tout était
triste et émouvant, à peine croyable ! Extraordinaires et
merveilleux à la fois ».
Wonju, Twin Tunnels, Chipyong-Ni, 1037. Au cours
de ces combats, les volontaires ont fait leur preuve
et montré à leurs homologues américains leur Croquis de la cote 1037. Si les combats pour la prise de ce piton
valeur dans l’offensive, comme dans la défensive : le sont particulièrement violents et coûtent la vie à une trentaine
commandement américain sait qu’il peut compter sur de volontaires, tous les combattants se souviennent du calvaire
rencontré lors de la descente des corps des camarades morts
les Français. En récompense de ces faits d’armes, le et blessés. Toute la nuit du 5 au 6 mars 1951 a été consacré à ce
bataillon a reçu en trois mois deux citations françaises transport sur les pentes glissantes et sous un froid glacial. Comme
le raconte le sergent Jeanpert de la 1 re compagnie : « pour évacuer
à l’ordre de l’armée et de deux citations présidentielles nos blessés et les faire soigner à l’ambulance, il fallait sept heures,
américaines. Cependant, cet engagement total du cétait long et extrêment pénible de brancarder dans la neige en
tombant tous les 10 mètres »
bataillon a un prix et les effectifs ont fondu, et sont
difficilement complétés par l’arrivée de plusieurs détachements de renfort. En effet, à la fin du mois de mars, les pertes du
bataillon sont élevées et certaines compagnies sont amputées de près de 50 % de leur effectif initial. L’ambassadeur Dejean
à Tokyo, en accord avec le général Monclar, demande au commandement américain un délai de trois mois avant que le
bataillon ne soit de nouveau engagé. Le bataillon ne bénéficie pas en définitive de ce repos : au début du mois d’avril 1951,
la VIII Armée déclenche une nouvelle offensive et, « par des coups de boutoirs successifs conquièrent méthodiquement
e
chaque massif, sous la pluie glacée qui a succédé à la neige et transforme la terre en boue liquide [au milieu] des mines que les
Chinois laissent derrière eux ». Le 3 avril le 23 régiment d’infanterie traverse Chunchon, le 6, le bataillon français franchit
e
e
e
le 38 parallèle et atteint le réservoir de Hwachon. Dans les semaines qui suivent, alors que les soldats de la 2 DI cherchent
le contact avec les Chinois, ceux-ci préparent leur dernière offensive de printemps. Dans la nuit du 22 au 23 avril, à la
faveur de la pleine lune, « environ la moitié des 700 000 Chinois et Nord-coréens stationnés en Corée [sont] lancés dans une
attaque à trois pointes, écrit Robert Leckie dans son histoire de la guerre de Corée, qui, disait la radio de Pyong-Yang, devait
annihiler les forces des Nations unies. Le premier assaut de moindre importance, vint au centre du dispositif [où était le BF/
ONU]. Un deuxième assaut, plus important, porta sur l’aile Est, pendant qu’à l’Ouest, la plus forte des trois offensives tentait
d’encercler Séoul par un mouvement d’enveloppement sur les deux flancs ».
Jusqu’à la fin du mois de mai se déroulent de sanglants combats où s’illustre de nouveau les volontaires français, le
17 notamment à Putchaetul, la section de pionniers aux ordres de l’adjudant Falise est quasiment anéantie, son chef, fait
prisonnier. Au début du mois de juin, la situation de l’ennemi semble catastrophique, ses pertes humaines et matérielles
© SHD - Textes : Capitaine Ivan Cadeau - Maquette PAO : Brigadier Teddy RAMÉ, Thibauld MAZIRE - Photographies : SHD.
ont été très élevées ; c’est le moment qu’il choisi pour entamer des pourparlers, à l’initiative il est vrai de Jacob Malik,
délégué soviétique aux Nations unies. Le 10 juillet 1951, les négociations qui s’ouvrent à Kaesong, une ville qui se situe
juste en deçà du 38 parallèle, au nord de Séoul, mettent fin à la première phase de la guerre de Corée : celle de la guerre
e
de mouvement. Désormais, le front se stabilise et, tout le long de la ligne occupée par les différents belligérants, les
combattants s’enterrent et fortifient leurs positions. Une nouvelle guerre commence.
Après six mois d’opérations, le bataillon est exsangue. La crise des effectifs et les pertes du premier
semestre 1951 entraînent une importante baisse du moral au sein du bataillon