Page 73 - Recueil Pro Patria 151 à 300
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obert Barreau est né le 20 avril 1927 à Paris dans une famille de quatre enfants. Son
enfance se déroule au rythme des mutations de son père, officier marinier. A Angers, il
se passionne pour le scoutisme et ses compagnons gardent de lui le souvenir d'un
garçon plein d'entrain et de ressources. Ses études à l'école des beaux-arts sont couronnées de succès mais
il choisit le service des armes et s'engage dans les troupes coloniales. Affecté en Allemagne, il rejoint sa
première unité avec fierté. Ses chefs ne tardent pas à remarquer sa vivacité d'esprit.
Dès sa nomination au grade de sergent, en 1948, Robert Barreau se porte volontaire pour le
Corps expéditionnaire français en Extrême-Orient. Avec ses camarades du régiment d'infanterie colonial du
Maroc, il participe aux opérations de pacification du Tonkin. Malgré son jeune âge, il s'impose
naturellement à la tête de la compagnie de supplétifs qui lui a été confiée et il gagne la confiance de ses
hommes. Aussitôt, son unité est engagée dans des opérations de contrôle de zones et de reconnaissance
de villages. Le relief accidenté, les rizières et la jungle semblent complices des rebelles. Les pistes sont
mauvaises et truffées de pièges. Le moindre déplacement expose les supplétifs à de terribles dangers. Dans
un climat d'insécurité permanente, sous les pluies diluviennes et dans la chaleur humide, la compagnie
Barreau assure ses missions avec courage et détermination. Elle harcèle sans relâche, use l'adversaire et
multiplie les faits d'armes. Les pertes qu'elle subit lors de ses nombreux engagements sont sévères mais
rien n'altère son ardeur. Le 6 mai 1950, elle se lance à l'assaut du village fortifié de Nhi Khe et, galvanisée
par son chef, elle vient à bout de la résistance adverse. La nuit suivante, elle pousse l'audace jusqu'à
attaquer le village de Thung Du et capture trois chefs viêt-minhs. Quelques mois plus tard, la compagnie
tombe dans une embuscade habilement tendue par les rebelles. Avec son calme légendaire et un sens
particulièrement avisé de la manœuvre, le sergent Barreau met ses armes automatiques en batterie et,
bravant le danger, regroupe ses hommes puis ordonne l'assaut. Surpris par la violence de la réaction, les
rebelles s'enfuient en abandonnant leurs blessés.
En 1951, c'est un sous-officier aguerri et expérimenté qui retrouve l'Indochine dans les rangs
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du 5 régiment de cuirassiers. Le Viêt-minh a durci ses actions mais, à la tête de son peloton, le maréchal
des logis-chef Barreau dénoue les embûches qui lui sont tenues avec une facilité qui tient du prodige.
Impressionnés par son intelligence et cette chance dont il paraît auréolé, ses hommes lui vouent une
confiance et une affection sans borne. Sous la pression continuelle d'un adversaire insaisissable qui frappe
dès la tombée de la nuit puis disparaît au lever du jour, le peloton conduit ses actions de contre-guérilla
avec une ardeur infatigable. Après Diên Biên Phû, le maréchal des logis-chef Barreau est muté au centre de
tir d'engins blindés. Il profite de cette opportunité pour se spécialiser dans les techniques de combat de
l'arme blindée cavalerie et mobilise ses stagiaires par son sens des relations et sa capacité à transmettre sa
passion pour le métier militaire. Cependant, la trêve est de courte durée et, en juillet 1955, le maréchal des
logis-chef Barreau débarque à Alger.
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Rayonnant d'autorité à la tête d'un peloton du 25 bataillon de dragons, il se révèle de plus en
plus comme un chef exceptionnel et un compagnon apprécié pour sa bonne humeur et sa délicatesse. Son
unité est engagée dans les opérations de contrôle de l'Algérois. Le 31 juillet 1956, à Si El Mokrafi, lors de la
fouille d'un talweg, son peloton se heurte à un groupe de rebelles fortement armés. Sans abris et à peine
camouflés par de rares touffes de broussailles, les hommes se plaquent au sol et répliquent en tirant au
jugé. Soutenu par la rage farouche de leur porter secours, le groupe qui progressait en fin de colonne
entame aussitôt le débordement du dispositif adverse. Dans le relief escarpé, sa progression est difficile et
l'accrochage se prolonge. A l'avant, sous les feux meurtriers des rebelles, les hommes de tête sont réduits à
l'impuissance. Les traits du visage figés par la panique, ils cherchent du regard celui qui les a toujours tirés
des plus mauvais pas. A court de munitions, le maréchal des logis-chef Barreau tente de les dégager.
L'explosion de ses dernières grenades dans les retranchements de l'adversaire est suivie d'un silence. Les
rebelles se sont-ils repliés ? Le chef de peloton se relève et soulage ses hommes d'une parole, d'un signe ou
d'un geste... quand une brève rafale claque. Le maréchal des logis-chef Robert Barreau s'écroule atteint par
plusieurs balles. Malgré les soins qui lui sont prodigués à l'hôpital d'Alger, son état s'aggrave. Il est évacué
sur Paris et il s'éteint dans la ville où il était né 29 ans plus tôt.
Modèle de bravoure et de dévouement, Robert Barreau s'est distingué en toutes circonstances
par ses qualités de chef et de combattant. Il a symbolisé jusqu'au sacrifice suprême les traditions de
l'Armée française et donné, pendant dix années de luttes et de combats, l'exemple du courage et de
l'abnégation.