Page 71 - Recueil Pro Patria 151 à 300
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aniel Dambarrères, né le 6 novembre 1927 dans une famille de quatre enfants, passe
son enfance dans l'Aube. A la Saulsotte, il est unanimement apprécié pour sa vivacité
d'esprit et sa gaieté naturelle. D'un tempérament bouillant, il aime partager son
dynamisme et son engouement pour les jeux guerriers. Dans les années noires de l'occupation, il entre dans
la clandestinité et se charge de renseigner ses camarades sur les activités ennemies dans la région. Daniel
comprend l'allemand et écoute les conversations des occupants qui patrouillent ou procèdent à des
réquisitions dans les fermes. Un soir d'octobre 1944, il rentre chez ses parents pour leur annoncer qu'il vient
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de s'engager au 131 régiment d'infanterie et qu'il doit, sur le champ, rejoindre son unité.
A peine âgé de 17 ans, il participe à la libération de la Rochelle et de Royan. A la fin de la
guerre, il arbore fièrement un galon de caporal gagné au feu et une décoration qui lui a été décernée pour
son comportement exemplaire. Mais la France se bat sur la terre d'Indochine et le caporal Dambarrères,
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dans les rangs du 28 bataillon de tirailleurs sénégalais, se lance dans les opérations de pacification du
Centre-Annam. Fascinés par l'aisance avec laquelle il les entraîne dans leurs premiers succès, ses hommes
lui vouent une confiance sans borne. Au cours d'une patrouille, le caporal Dambarrères est grièvement
blessé par l'explosion d'une mine mais il ne peut résister aux sollicitations de ses tirailleurs qui le supplient
d'abréger sa convalescence. A peine guéri, il est à nouveau blessé en aidant au dégagement d'une unité
prise sous les feux de l'adversaire. Cette nouvelle démonstration de courage est, aux yeux des tirailleurs, la
preuve absolue de la bonne fortune qui semble accompagner leur chef dans toutes ses entreprises.
Désormais soudé dans une indéfectible fraternité, le groupe déjoue les multiples embuscades qui lui sont
tendues selon une méthode qu'il maîtrise à la perfection à force de la pratiquer.
Chef de section dès sa nomination au grade de sergent en mars 1950, il confirme ses qualités
légendaires en inscrivant le combat de Dong Lam dans les faits d'armes les plus glorieux de la campagne
d'Indochine. Au cours d'un déplacement, sa compagnie tombe dans une forte embuscade. Les pertes sont
nombreuses et les survivants cherchent désespérément des abris pour échapper au massacre. La section
Dambarrères, qui progressait en fin de colonne, contourne le piège et quand les rebelles se lèvent pour leur
ultime assaut, elle lance une impressionnante contre-attaque. Le sergent Dambarrères, gravement blessé,
est secouru par un Indochinois qui lui offre son sang par une transfusion de fortune. Cependant, son état
exige qu'il soit rapatrié.
Quand il retrouve la terre d'Indochine, son exceptionnelle capacité d'adaptation le désigne pour
encadrer un maquis à la frontière chinoise. En avril 1953, il rejoint un village de la Haute-Région. Les forces
chinoises s'infiltrent dans ce vaste territoire de montagnes entaillées de gorges profondes pour apporter leur
soutien aux unités viêt-minh. Le chapelet de garnisons qui marquaient le présence française ont été
balayées et la population est peu disposée à accepter l'occupation viêt-minh. Le sergent-chef Dambarrères
gagne l'affection des montagnards par sa simplicité et sa cordialité. Malgré la vétusté de leurs moyens, les
partisans affrontent les détachements de l'armée chinoise et interceptent tous les convois qui pénètrent dans
la région. Bientôt, le sergent-chef Dambarrères et ses hommes reçoivent l'ordre de concentrer leurs actions
sur les arrières de l'armée du général Giap engagée à Diên Bien Phu. Après la tourmente, les unités viêt-
minh lancent une violente répression contre les maquis de la Haute-Région. Comme témoignage de son
amitié à ceux dont il avait partagé les espérances, le sergent-chef Dambarrères accompagne ses partisans
dans cet ultime combat. Dans la nuit du 26 au 27 juillet 1954, les feux d'une lutte terrible embrasent
l'obscurité. Bien qu'atteint de deux blessures au cours de l'engagement, il organise l'évacuation et réussit à
mettre ses compagnons à l'abri de la fureur ennemie. Puis, à l'issue de six années passées en Indochine, il
rentre en France.
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En 1956, c'est un sous-officier expérimenté qui débarque en Algérie avec le 15 régiment de
tirailleurs sénégalais. Reconnu pour la sûreté de son jugement et son sens du commandement, il est aussitôt
engagé dans les opérations les plus périlleuses. Le 27 juin, au pont d'Asfora, dans le Nord constantinois, ses
tirailleurs se heurtent à un tir nourri d'armes automatiques. Malgré une blessure à la jambe, il repousse
l'attaque des hors-la-loi. Le 11 mai 1957, sa section escorte un lourd convoi de ravitaillement dans la région
d'Ain Kechera. Soudain, les feux d'une embuscade se déchaînent sur la colonne. Le chef de section lance
deux half-tracks à l'endroit le plus dangereux pour dégager ses hommes mais une rafale brise son élan.
Quelques instants plus tard, le sergent-chef Dambarrères décède de ses blessures.
Modèle de bravoure et de générosité, le sergent-chef Daniel Dambarrères est mort, les armes à
la main, à l'âge de trente ans. Magnifique sous-officier et homme de cœur, imprégné des plus grandes
traditions de l'Armée française, il a profondément marqué ses tirailleurs et ceux qui l'ont accompagné dans
sa continuelle lutte pour ses idéaux. La Légion d'honneur est venue rendre un dernier hommage à ce soldat
exceptionnel qui a donné jusqu'au bout la preuve de son courage au service de la France.