Page 67 - Recueil Pro Patria 151 à 300
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                              aston  Dion  est  né  à  Fontainebleau  le  13  octobre  1921.  Quelques  mois  plus  tard,  sa  famille
                              s'installe  dans  le  Morbihan  et,  dans  la  quiétude  de  Saint-Vincent,  Gaston  vit  une  enfance
                              harmonieuse. A l'école du village, il est unanimement apprécié pour sa vivacité d'esprit et sa
            générosité. Cependant, le décès de son père brise cruellement le bonheur familial et Gaston, à peine âgé de neuf ans,
            en  ressent  une  profonde  douleur.  Sa  mère  regagne  alors  sa  ville  natale,  Avon  en  Seine-et-Marne.  Elle  aide
            courageusement ses deux enfants à surmonter l'épreuve et, malgré la précarité de la vie quotidienne, les soutient
            dans leurs études.
                        Quand  la  menace  de  guerre  gronde,  Gaston  Dion  quitte  l'École  des  enfants  de  troupe  d'Épinal  pour
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            s'engager au 71  régiment d'artillerie. Il a à peine dix-huit ans. Au sein de son régiment, il participe glorieusement aux
            combats  qui-révèlent  l'impuissance  des  forces  françaises  face  à  la  supériorité  mécanique  de  l'adversaire.  Quand,
            foudroyée par la défaite, la France se replie sur sa douleur, le brigadier Dion embarque pour l'Algérie. En janvier 1941,
            il rejoint une poignée de héros anonymes qui, comme lui, défient le sort par leur seule volonté. Les volontaires de
            l'Armée d'Afrique ne tardent pas à remarquer la fougue et la générosité de leur jeune camarade qui possède l'art de
            les conforter et de les emporter dans sa foi et son enthousiasme.
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                        En novembre 1942, le maréchal des logis Dion, affecté au 67  régiment d'artillerie d'Afrique, se lance
            dans  la  campagne  de  Tunisie.  Au  cours  des  combats  acharnés  dans  lesquels  son  unité  est  engagée,  il  révèle  ses
            qualités  exceptionnelles  d'entraîneur  d'hommes,  son  sens  avisé  du  terrain  et  son  intelligence.  Il  s'illustre,  en
            particulier, dans la prise du col du Faïd, victoire modeste mais symbolique : c'est le premier pas de la reconquête.
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            Après s'être glorieusement comporté face à des unités aguerries et supérieurement équipées, le 67  RAA embarque
            pour l'Italie avec le Corps expéditionnaire français en décembre 1943.
                        Installé  dans  le  relief  escarpé  du  massif  des  Abruzzes,  l'ennemi  tient  fermement  le  Mont  Cassino,
            véritable forteresse barrant la route de Rome. Pendant plus de six mois, sur les crêtes battues par un vent glacial, le
            maréchal des logis Dion et ses hommes sont confrontés aux affres d'une lutte sans merci. Lors d'une tentative de
            contournement de Cassino par le nord, ils appuient la difficile progression du 3* régiment de tirailleurs algériens sur
            les  pentes  du  Mona  Acquafonda.  Attaques  et  contre-attaques  se  succèdent.  Les  artilleurs  subissent  de  violentes
            concentrations de tirs mais, avec un courage exemplaire et une détermination à toute épreuve, ils rendent coup pour
            coup et écrasent l'adversaire sous un déluge de feux. Puis, hissant et tractant leurs pièces sur une mauvaise route de
            montagne,  les  dételant  dans  les  virages  et  manœuvrant  au  bord  de  précipices  vertigineux,  ils  avancent  jusqu'à  la
            cuvette de Ceretto, seule région offrant des vues sur le Belvédère. Le maréchal des logis Dion enterre sa pièce sous les
            tirs de harcèlement et, à l'aube du 25 janvier, ouvre le feu. Pendant trois jours et trois nuits, la bataille fait rage.
            L'artillerie ennemie riposte sans répit mais rien ne peut interrompre la puissante et régulière cadence de tir du 67"
            RAA.  Le  15  février,  en  pleine  bataille  du  Belvédère,  Gaston  Dion  reçoit  son  galon  de  maréchal  des  logis-chef.
            Cependant, face à la ténacité de l'ennemi, le corps expéditionnaire français décide de contourner le Mont Cassino par
            le sud et, dans la soirée du 11 mai, se jette dans la bataille de Garigliano. Pour appuyer la progression des tirailleurs, à
            travers les réseaux de barbelés et les champs de mines, les artilleurs du maréchal des logis-chef Dion écrasent de leurs
            obus tous les points d'appui d'où se déchaînent les armes automatiques et les lance-flammes. Après d'impitoyables
            pilonnages et de sanglants corps-à-corps, la ligne de défense allemande est renforcée. Le 5 juin 1944, les Français
            entrent dans Rome.
                        Quelques jours plus tard, le maréchal des logis-chef Dion est pris sous les feux d'une contre-attaque
            foudroyante.  Méthodiquement  et  froidement,  il  met  sa  pièce  en  batterie,  riposte  et  inflige  de  lourdes  pertes  à
            l'ennemi.  Puis,  à  la  tête  d'un  détachement  de  liaison  et  d'observation,  il  participe  à  la  réduction  des  dernières
            résistances. Lors d'un combat de rues, il est grièvement blessé par une balle tirée à bout portant. Écourtant son séjour
            à l'hôpital, il rejoint ses compagnons pour vivre les heures exaltantes de la libération du sol natal. Le 17 août 1944, le
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            67  RAA débarque sur une plage de Provence. Après la libération de Toulon et de Marseille, l'avancée dans la vallée du
            Rhône est interrompue par des combats rapides mais sévères tandis que l'ennemi se réorganise dans les Vosges, avec
            l'espoir  d'immobiliser  l'Armée  française  pendant  l'hiver.  Le  5  octobre  à  7  heures,  dans  la  pluie  et  le  brouillard,  la
            bataille fait rage autour du col de Rahmé. Vers 21 heures, le maréchal des logis-chef Dion écoute les messages qui
            parviennent  au  poste  de  commandement  de  la  batterie.  Un  obus  explose  dans  les  arbres  et  un  éclat  le  frappe
            mortellement.
                        Sous-officier dont la bravoure et la générosité ne connaissaient pas de limite, le maréchal des logis-chef
            Dion est mort en soldat à l'âge de 23 ans. Modèle de passion et de dévouement, il a montré que la foi vient à bout de
            l'impossible.
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