Page 65 - Recueil Pro Patria 151 à 300
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ierre Paulot est né le 27 juin 1926 à Vouziers, dans les Ardennes, Doué d'une
impressionnante robustesse et animé d'une vivacité d'esprit hors du commun, il a laissé,
au lycée Chanzy de Charleville, le souvenir d'un adolescent débordant de vitalité et un
peu frondeur. A la fin de ses études, il décide de s'engager dans les troupes coloniales. Il n'a que dix-neuf
ans mais, au 3° régiment d'infanterie coloniale, il se fait rapidement remarquer pour sa loyauté et ses
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qualités humaines. Aussitôt, il gagne l'estime de ses chefs et l'affection de tous. Il est promu sergent le 1 '
février 1947.
Quelques semaines plus tard, il rejoint le Prytanée militaire de La Flèche comme instructeur et,
l'année suivante, il est affecté au 2° bataillon colonial des commandos parachutistes. Jeune sous-officier
brillant à l'avenir prometteur, il prend le chemin de l'Indochine en décembre 1947. Dès ses premiers
engagements contre le Vïêt-minh, son courage et son audace sont remarqués : Pierre Paulot fait
rapidement référence. Lors d'une opération dans la Plaine des Joncs en juin 1949, il inflige, par le tir précis
de ses mortiers, d'importantes pertes à l'ennemi. Une semaine plus tard, au combat de Than-Phu, il
s'élance sous un feu intense pour mettre son mortier en batterie et permet, parce geste héroïque, le
dégagement d'une unité amie encerclée. Il est cité à l'ordre du régiment.
Cependant, en Asie du sud-est, la tension entre les deux républiques de Corée n'a cessé de
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grandir. En juin 1950, cinq divisions nord-coréennes franchissent le 38 parallèle et envahissent la Corée du
Sud. Immédiatement, l'ONU réagit en envoyant des troupes. Le sergent Paulot qui s'est porté volontaire
pour servir au bataillon français des Nations Unies participe à la campagne de Corée, Une fois encore, il
montre de réelles qualités de combattant et un sens de la manœuvre particulièrement avisé : son sens de
l'organisation, ses compétences et sa totale disponibilité font de lui un professionnel accompli et reconnu
au sein du bataillon français. Il est chargé de la surveillance d'un des principaux couloirs de pénétration
nord-coréenne vers Séoul. Les nord-coréens s'infiltrent dans la zone du 7 au 9 octobre 1952. Leurs assauts
acharnés se succèdent et se brisent sur la défense dirigée par le sergent Paulot. S'infiltrant de nuit à
proximité des lignes ennemies pour se renseigner et, le jour, protégeant par ses mortiers les déplacements
amis, il se révèle comme un chef infatigable et réfléchi. Ses actions d'éclat lui valent d'être promu sergent-
chef en 1953, avant l'armistice de Pon Mun Jon qui met fin au conflit. Par son abnégation et sa ténacité, le
sergent-chef Paulot laisse, au sein du bataillon de l'ONU, le souvenir d'un soldat animé des plus belles
traditions de l'Armée française.
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Peu après, il intègre le 8 bataillon parachutiste de choc. La France se bat toujours sur la terre
d'Indochine où la pression viêt-minh s'est accentuée. L'installation d'un camp retranché à Diên Bien Phu est
décidée : il faut empêcher le Viêt-minh d'utiliser les bases logistiques approvisionnées par les Chinois au
Laos. Le 21 novembre 1953, le sergent-chef Paulot fait partie du détachement chargé de préparer la
défense des points d'appui Eliane et Dominique. Le 28 mars 1954, au cours d'une reconnaissance en zone
ennemie la section d'assaut du sergent-chef Paulot se distingue particulièrement en infligeant à l'adversaire
de lourdes pertes. Début avril, les quatre divisions du général Giap déferlent en masse sur Diên Bien Phu.
Dans la tourmente, le sergent-chef Paulot se distingue par un courage à toute épreuve et un sang froid
remarquable qui contribuent à maintenir au plus haut le moral de ses hommes. De nuit, sous des trombes
d'eau, il participe au dégagement de Huguette 2. Partout, la section Paulot galvanisée par son chef
s'accroche au terrain, résiste à la pression de l'adversaire et repousse ses attaques incessantes. Le 6 mai, au
cours d'engagements meurtriers, il défend la position Eliane 10 et fait face brillamment aux offensives
répétées des Viêt-minhs. Le lendemain, toute résistance cesse à Diên Biên Phu. Le sergent-chef Paulot a
lutté jusqu'à la limite de ses forces et, contraint d'abandonner la lutte, il est fait prisonnier
Avec ses compagnons d'infortune, il prend alors la direction du camp de Than-Hoa qu'il atteint
au bout de plusieurs semaines d'une marche harassante. Pieds nus, les mains liées, il parcourt près de 800
kilomètres, en pleine saison des pluies, dans de terribles conditions de soins et d'hygiène. En cours de
route, il tente de s'évader à deux reprises mais il est repris. Battu et torturé puis sans cesse harcelé, il subit
le traitement réservé aux prisonniers jugés récalcitrants. Cependant, le sergent-chef Paulot ne résiste pas
au régime imposé par ses gardes. Il meurt d'épuisement en juillet 1954 et trompant la vigilance de leurs
geôliers, ses camarades lui rendent les honneurs. Quelque temps avant sa disparition, il avait été promu
adjudant mais il n'a jamais pu porter son nouveau galon.