Page 61 - Recueil Pro Patria 151 à 300
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ean Jestin est né le 30 avril 1920 dans la région de Brest. Dans la quiétude de Saint-Pierre-
Quilbignon, son village natal, il est unanimement apprécié pour sa gaieté et son entrain.
S'accommodant de son esprit frondeur, ses instituteurs font l'éloge de sa vivacité et de ses
dispositions intellectuelles. A leur grand regret, cependant, il met un terme à sa scolarité dès l'obtention de
son certificat d'études. Il envisage alors de s'engager dans le métier des armes mais, dans l'immédiat, il doit
aider ses parents à la ferme familiale. En 1940, l'armée allemande déferle sur la France. Par attachement à
la terre et par amour du pays, par devoir et par refus de l'asservissement, Jean Jestin se lance dans la
croisade à laquelle le général de Gaulle a appelé tous ceux que la défaite a humiliés. Dès le 19 juin 1940, il
embarque, au Conquet, sur un bateau qui gagne l'Angleterre et rejoint une poignée de volontaires qui,
comme lui, défie le sort par sa seule volonté et ses espérances.
Au sein des Forces Françaises Libres qui, à peine nées, s'entraînent dans les camps anglais,
Jean Jestin s'impose par son esprit d'initiative et sa personnalité. Ses qualités lui valent d'être promu
sergent. Quand, au mois d'août 1940, " l'Armée de France " rejoint l'Afrique, base de la reconquête nationale,
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il est affecté au 5 Bataillon de marche de la 1 Division française libre, en formation au Cameroun. Durant
huit mois encore, il prépare ses hommes en leur insufflant son dynamisme et son allant. En mars 1942, le
Bataillon enfin prêt s'élance dans un long périple qui, par des pistes sablonneuses et sous des températures
extrêmes, le conduit du cœur de l'Afrique jusqu'au Caire. Cette épopée dans des régions inhospitalières
forge l'âme collective des équipages et endurcit les hommes qui, arborant fièrement le Drapeau frappé de la
Croix de Lorraine, sont portés par une ambition commune : montrer aux yeux du monde que la France
poursuit la lutte.
C'est à El Alamein, en novembre 1942, que le BM 5 reçoit son baptême du feu. Les forces
françaises se battent aux côtés du général Montgomery : les Anglais font de cette bataille le point de départ
d'une vaste contre-attaque en Afrique du Nord. Au cours de l'affrontement, le sergent Jestin est grièvement
blessé au visage par l'explosion d'une mine anti-personnel. Il a perdu un œil mais, à peine remis de sa
blessure, il rejoint ses compagnons pour participer à la campagne de Tunisie. Toujours en première ligne,
forçant l'admiration par son calme et son audace, il se distingue particulièrement à Takrouna qui consacre
l'effondrement des forces germano-italiennes en Afrique.
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En avril 1944, le 5 Bataillon embarque pour l'Italie où il va renforcer le corps expéditionnaire
français du général Juin engagé dans la bataille du Garigliano : il faut faire sauter le verrou allemand qui
enserre Rome. Sous les bombardements, de San Giorgio à Pontecorvo, le sergent-chef Jean Jestin entraîne
ses hommes par sa présence réconfortante et l'attention constante qu'il leur accorde. Au cours d'un assaut, il
est blessé une nouvelle fois mais il refuse son évacuation. Quand la campagne d'Italie s'achève, le bataillon
se prépare à vivre les heures exaltantes de la Libération. Enfin, le 16 août 1944, il foule la plage de
Cavalaire, en Provence. Alors, le cœur étreint d'une profonde émotion, tous ces soldats aguerris par les
combats meurtriers, les longues nuits de veille, le sang et la souffrance des compagnons, donnent libre
cours à leur bonheur : dans un élan unanime et spontané, ils se jettent au sol pour embrasser la terre du
pays retrouvé.
Cependant, l'ennemi oppose une farouche résistance à l'avancée des libérateurs. Le 20 août,
sur les pentes abruptes du Mont Redon, le sergent-chef Jestin monte à l'assaut des postes allemands qui, en
une véritable forteresse, surplombent Toulon. Dans une succession d'attaques sanglantes, la section
reprend possession du terrain puis, pour ne pas laisser à l'ennemi le temps de se ressaisir, participe à
l'offensive du bataillon vers une ligne de résistance installée au nord de la ville.
Progressant en avant-garde de son unité, la section Jestin se heurte à un feu d'armes
automatiques aux environs de La Crau. Au cours d'un violent affrontement qui dégénère en lutte au corps à
corps, la position allemande est enlevée. Mais, sous la chaleur accablante de cette longue journée d'août,
malgré la mort des compagnons, l'épuisement, l'angoisse et les difficultés du terrain, il faut reprendre le
combat. Lors de l'attaque d'une seconde position allemande, le sergent-chef Jestin est touché à l'épaule.
Blessure sans gravité, estime-t-il ! A bout de forces et chancelant, il consent, après le dernier assaut, à céder
le commandement de la section à son adjoint. Craignant une réaction ennemie et souhaitant que tous ses
hommes restent en alerte, Jean Jestin décide de rejoindre un poste de secours sans accompagnement.
Quelques instants plus tard, une longue rafale déchire le silence. Accouru sur les lieux pour lui porter
assistance, son commandant d'unité le découvre la poitrine criblée d'impacts. Dans un murmure, le sergent-
chef Jestin lui souffle : " Aujourd'hui, je porte ma croix ! ". Le lendemain, il rend le dernier soupir.
Incarnation du plus pur idéal patriotique, Jean Jestin s'est illustré par un sang-froid et un
courage exceptionnels. Sur le chemin de l'honneur, il a donné la preuve de son esprit de sacrifice et montré
que la foi vient à bout de l'impossible. La Légion d'honneur et la Croix de la Libération sont venues rendre un
dernier hommage à ce sous-officier, mort à 24 ans " dans la radieuse certitude de la Victoire ".