Page 57 - Recueil Pro Patria 151 à 300
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L                      er
                            ouis Pajot est né le 1  décembre 1929 à Than Hoa en Indochine française. Il est le fils d'un
                            inspecteur  général  des  douanes  françaises  en  poste  au  Tonkin  et  d'une  princesse
                            vietnamienne.
                        Durant  son  adolescence,  il  fréquente  l'école  des  enfants  de  troupe  de  Dalat  qui  connaît  des
            heures tragiques en mars 1945, lors d'un coup de force japonais sur la péninsule indochinoise.
                        Attaqués  de  toutes  parts,  Louis  Pajot  et  ses  jeunes  camarades  opposent  une  farouche
            résistance aux assauts ennemis. Après une lutte inégale, ils doivent se résoudre à cesser le combat. La rage
            au cœur, ils font sauter la poudrière de l'école et détruisent les culasses de leurs fusils avant de tomber aux
            mains de leurs assaillants. Le Drapeau français flotte encore au centre de la cour d'honneur. Dans un ultime
            défi, Louis Pajot s'en empare et le dissimule sous sa chemise. Son geste n'échappe pas à la vigilance des
            Japonais et lui vaut une douloureuse punition : durant la marche épuisante qui le conduit vers un camp de
            prisonniers, il est condamné à supporter des flèches de bambou plantées dans les mollets.

                        Torturé par la faim et épuisé par les travaux forcés, Louis Pajot est profondément marqué par
            cette captivité mais il a acquis dans l'épreuve une générosité et une énergie qu'il mettra, après sa libération,
            au service de ses idéaux et de ses hommes.

                        Profondément attaché à ses racines, à la fois françaises et indochinoises, et redoutant que son
            pays  natal  ne  soit  emporté  dans  une  vague  de  haine  et  de  luttes  idéologiques,  Louis  Pajot  décide  de
            s'engager et rejoint les unités de commandos parachutistes : c'est les armes à la main qu'il aidera son pays à
            échapper au pire.

                        En janvier 1947, il participe aux opérations de pacification du Tonkin. A la tête de patrouilles, il
            fait preuve de qualités qui lui valent d'être nommé sergent. Il n'a pas encore vingt ans.

                        En juillet 1951, le Viêt-minh intensifie ses actions dans les montagnes du pays Thaï, entre la
            Rivière Noire et le Fleuve Rouge. Les avant-postes de Son Buc et de Coc Buc, qui protègent la garnison de
                                                                            e
            Nghia-Lo,  menacent  de  céder  sous  la  violence  des  attaques.  La  3   Brigade  coloniale  de  commandos
            parachutistes que le sergent Pajot vient de rejoindre est engagée sur les arrières de l'adversaire. Le groupe
            Pajot  s'infiltre  dans  les  sentiers  de  montagne  ou  aux  abords  des  postes  isolés  pour  désorganiser  et
            pourchasser les rebelles. Puis, en pleine saison de pluies, son unité reçoit la mission de dégager la garnison
            de Phat-Diem prise sous des feux incessants de mortiers. Au cœur des combats, dans la boue et face à un
            adversaire acharné, le sergent Pajot entraîne ses parachutistes et donne une nouvelle preuve de son sang-
            froid et de son audace.
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                        En  juillet  1952,  il  reçoit  le  commandement  d'une  section  de  supplétifs  au  3   bataillon  de
            parachutistes  vietnamiens.  Il  gagne,  aussitôt,  la  confiance  et  l'estime  de  ces  hommes  dont  il  partage  la
            langue  et  apprécie  la  bonne  humeur.  Dès  sa  mise  sur  pied,  la  section  Pajot  est  chargée  de  multiples
            opérations de harcèlement dont les succès révèlent l'ardeur des commandos et la combativité de leur chef.
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            Le 1  décembre, lors de l'attaque du village de Cuu-Thon, elle se heurte aux tirs d'armes automatiques. Les
            viêt-minhs  lancent  une  violente  contre-attaque  mais  avant  qu'ils  ne  submergent  la  compagnie,  le  sergent
            Pajot  installe  ses  hommes  en  poste  de  combat.  Une  rafale  l'atteint  aux  reins  mais  il  poursuit  le  combat
            malgré la douleur. Galvanisés par l'exemple de leur chef, les supplétifs repoussent les assauts jusqu'à ce
            que l'adversaire, surpris par leur détermination, soit contraint de se replier.

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                        En juin 1957, c'est un sous-officier aguerri et expérimenté qui débarque en Algérie avec le 9
            régiment d'infanterie de marine. Reconnu pour la sûreté de son jugement et son sens du commandement, il
            est promu sergent-chef et se voit décerner la Médaille Militaire. Au cours des multiples accrochages avec les
            rebelles,  le  sergent-chef  Pajot  se  montre  à  la  hauteur  de  sa  réputation.  En  toutes  occasions,  il  force
            l'admiration de ses hommes par son mépris du danger et son entrain.
                        Le  29  mai  1959,  au  cours  d'une  mission  de  reconnaissance  en  Grande  Kabylie,  sa  section
            tombe dans une embuscade. Bien que blessé dès les premiers échanges de coups de feu, le sergent-chef
            Pajot se bat et encourage ses hommes jusqu'à la limite de ses forces. Alors que l'ennemi encercle la section,
            il tente un ultime assaut mais il s'écroule, frappé d'une balle en pleine tête.
                        Modèle de bravoure et de dévouement, Louis Pajot s'est distingué, en toutes circonstances, par
            ses qualités de chef et de combattant. La Légion d'honneur et la Croix de la valeur militaire avec palme sont
            venues rendre un dernier hommage à ce sous-officier exceptionnel, mort au service de la France, à l'âge de
            trente ans.
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