Page 59 - Recueil Pro Patria 151 à 300
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ndré Pasquier est né à Le Boupère, un village vendéen, le 18 août 1926, dans une
famille d'agriculteurs. Quelques années plus tard, ses parents s'installent à Montjean, en
Charente, et André fréquente l'école communale où il est unanimement apprécié pour sa
bonne humeur et son entrain. Mais la guerre éclate en 1939 et le traumatisme de la défaite le marque
profondément. En 1945, porté par l'élan de la Victoire, il décide d'entrer dans le métier des armes et,
aussitôt, il se porte volontaire pour le Corps expéditionnaire français en Extrême-Orient. Mais dans
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l'immédiat, il rejoint le 57 Régiment d'infanterie à Philippeville pour recevoir sa formation de base.
En octobre 1946, il est nommé caporal puis, un an plus tard, il débarque en Indochine avec le
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1 Régiment de chasseurs parachutistes. Le 22 juillet 1949, c'est un garçon déjà expérimenté qui intègre
l'Ecole de sous-officiers de Saint-Maixent-l'Ecole. L'élève sous-officier André Pasquier laisse, auprès de ses
camarades de promotion, le souvenir d'un garçon épanoui et détendu, s'imposant par sa vivacité d'esprit et
la pertinence de ses avis. Lors de sa nomination au grade de sergent, c'est sans regret qu'il accepte de se
joindre à l'encadrement des élèves sous-officiers. Formateur apprécié pour ses compétences pédagogiques
et ses qualités humaines, il communique à ses stagiaires sa passion pour le métier militaire.
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Dans les rangs du 2 Régiment de marche du Cambodge, il retrouve l'Indochine française en
1952. Le Viêt-minh a durci ses actions mais André Pasquier dénoue les embûches qui lui sont tendues avec
une facilité qui tient du prodige. Impressionnés par son intelligence et cette chance dont il paraît auréolé, ses
hommes lui vouent une confiance sans borne et une profonde affection. Partout, les faits d'armes du
commando Pasquier sont rapportés, donnés en référence et commentés. Les Viêt-minhs, cependant, ne
peuvent supporter davantage cette réputation dont ils prennent ombrage. Excédés, ils décident de mettre fin
à la légende de leur adversaire et, dans la nuit du 16 au 17 octobre 1952, ils attendent le sergent Pasquier et
ses hommes aux lisières du village de Prey Angkunh. Les éclaireurs du commando abordent les premières
habitations quand le signal de déclenchement d'une embuscade résonne dans la nuit. Grièvement blessés,
ses deux adjoints s'effondrent mais, en un instant, le sergent Pasquier s'est ressaisi. Il regroupe ses hommes
et ordonne l'assaut. Les rebelles s'enfuient. Puis, au long d'une marche harassante et avec la hantise d'une
nouvelle attaque, le commando raccompagne ses blessés au PC du régiment. L'épisode de Prey Angkunh
s'est inscrit dans la mémoire de ceux qui l'ont vécu comme un fait d'armes exceptionnel dirigé par un chef
digne des plus grandes traditions de l'Armée française.
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Promu sergent-chef le 1 août 1953, André Pasquier est affecté au 9 Bataillon de chasseurs
cambodgiens et, aussitôt, désigné pour organiser la défense du poste d'Ong Tan qui contrôle le sud de la
vallée du Mékong. A peine troublée par les exactions que les rebelles, soutenus par des unités régulières,
mènent dans la région, la vie du détachement s'écoule paisiblement pendant plusieurs semaines. Dans la
nuit du 30 au 31 décembre, alertée par un bruit suspect, une sentinelle s'avance de quelques pas dans la
pénombre. Elle est fauchée par un tir de mitrailleuses et, aussitôt, une compagnie viêt-minh se rue sur le
poste. Au premier assaut, le sergent-chef Pasquier est blessé mais, tout en appliquant un pansement
sommaire sur sa plaie, il organise la défense. Les décombres de la tour centrale abattue au lance-roquettes
ont englouti le bloc radio. Les défenseurs sont isolés. Les Viêt-minhs franchissent les barbelés après y avoir
jeté des couvertures et parviennent, au prix de lourdes pertes, à s'emparer de l'une des ailes du poste. Sans
hésitation, le sergent-chef Pasquier donne l'ordre de tirer un obus sur le point occupé par les agresseurs.
Tout en aidant à servir le mortier de 60, il commande ses hommes et repousse le deuxième assaut. Le
clairon viêt-minh sonne l'offensive pour la troisième fois. Le feu gagne le poste mais, face à la détermination
des chasseurs cambodgiens, les rebelles renoncent à poursuivre la lutte. L'un des combattants d'Ong Tan se
souvient : " Au lever du jour, l'endroit était couvert de sang mais le Drapeau français flottait
toujours sur le poste. Sur les quarante et un que nous étions, seule une poignée s'en est sortie " .
Blessé trois fois au cours de ces combats furieux, le sergent-chef Pasquier a reçu la Médaille militaire pour
sa conduite héroïque.
Après la chute de Diên Biên Phu, le commando Pasquier participe aux dernières opérations de
contrôle de la Cochinchine. Le 15 mai 1954, dans un village de la Plaine des Joncs, un piège abandonné par
l'adversaire explose. André Pasquier est grièvement blessé. Malgré les soins qui lui sont prodigués à l'hôpital
de Saigon, son état s'aggrave et le 19 mai 1954, il s'éteint doucement entouré du personnel médical. Il avait
27 ans. Modèle de bravoure et de générosité, le sergent-chef Pasquier a fait le sacrifice de sa vie au sein
d'une unité qui avait pris pied sur une terre lointaine. La Légion d'honneur est venue rendre hommage à ce
soldat exceptionnel qui a donné jusqu'au bout la preuve de son courage au service de la France.