Page 55 - Recueil Pro Patria 151 à 300
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                             ené Quantin est né le 3 février 1910 à Joinville en Haute-Marne. Après sa scolarité, il apprend le
                             métier de tourneur sur métaux puis, à l'âge de vingt ans, il s'engage dans les troupes coloniales.
                             Quand la guerre éclate en 1939, il sert en Afrique Équatoriale française.
                        Au printemps 1940, le sergent René Quantin est affecté au bataillon de tirailleurs du Moyen Congo, à
            Brazzaville.  Le  cœur  étreint  de  désespoir,  il  écoute  la  radio  diffuser,  jour  après  jour,  le  nom  des  villes  françaises
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            investies par l'ennemi. Sa ville natale où il a laissé sa famille est occupée le 14 juin. Sur la Somme, ses camarades du 2
            régiment d'infanterie coloniale, son ancien régiment, ont vaillamment résisté à l'avancée de l'ennemi. Quand l'Armée
            française doit se résoudre à déposer les armes, René Quantin ne peut accepter l'outrage infligé à sa Patrie. Comme
            beaucoup d'autres, il décide  de continuer la lutte, car pour lui, aucune défaite, aussi  humiliante soit-elle, ne peut
            altérer le sens des mots " honneur, devoir et sacrifice".
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                        Le 7 octobre de cette même année, il est affecté au 1  bataillon de marche de l'Afrique française libre.
            Jour et nuit, dans la fièvre, son unité prépare son engagement en Cyrénaïque. La foi de chacun remplace les moyens
            défaillants. En janvier 1941, le détachement quitte Bangui pour rejoindre leur théâtre d'opérations, les " vagabonds de
            la  gloire  ",  comme  ils  se  nomment  eux-mêmes,  vont  accomplir  un  périple  de  7  000  kilomètres,  par  des  pistes
            sablonneuses  et  sous  des  températures  extrêmes,  qui  les  conduira  du  cœur  de  l'Afrique  jusqu'au  Caire.  Arborant
            fièrement  sur  la  poitrine  une  Croix  de  Lorraine,  ils  sont  portés  par  une  volonté  commune  :  montrer  aux  yeux  du
            monde que la France n'a pas renoncé et poursuit la lutte.
                        Au  camp  de  Quastina,  en  Palestine,  le  sergent-chef  Quantin  apprend  que  son  bataillon  est  engagé
            contre  les  forces  françaises  de  Syrie  et  du  Liban  demeurées  fidèles  au  gouvernement  de  Vichy.  Le  8  juin,  sans
            enthousiasme particulier mais résolument, il franchit la frontière syrienne. Dans les combats de Mejid, des Djebels
            Maani, de Messiade et El Kelb, il apparaît partout en première ligne. Ses tirailleurs lui vouent une admiration sans
            borne. Il les rassure par son courage réfléchi et les entraîne à l'assaut des dangers par sa détermination et son allant.
                        En novembre 1942, il prend part à la deuxième campagne du Fezzan et aux opérations en Tripolitaine.
            Là, il connaît la dure réalité des sables, de la soif et des combats inégaux. Puis, il rejoint le régiment de marche du
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            Tchad,  unité  de  la  2   division  blindée,  en  cours  d'équipement  au  Maroc,  Sa  section  d'infanterie  mécanisée  est
            composée  d'évadés  de  France,  d'appelés  d'Afrique  du  Nord  et  de  volontaires  du  Corps  Franc  d'Afrique.  Après  la
            défaite de 1940, ces hommes étaient restés, comme lui,  les armes à la  main. Rien ne pouvait infléchir leur  fierté
            farouche ni leur indomptable volonté de vaincre.
                        Encore quelques mois d'entraînement... et  la  section pourra regagner la terre de France  et  vivre les
            heures exaltantes de la Libération. Le 20 mai 1944, elle embarque à Oran et, quelques jours plus tard, foule le sol
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            anglais. Le 1  août, enfin, un Liberty ship la conduit sur une plage de Normandie.
                        Après cinq longues années d'absence, René Quantin reprend pied sur le sol national. Il se baisse pour
            prendre une poignée de sable et la porte à ses narines pour humer l'odeur du pays retrouvé. En cet instant sans doute
            pense-t-il à Joinville occupé et à sa famille dont il ignore toujours le sort.
                        Cependant les Allemands lancent une violente contre-offensive sur Avranches et Mortain. Les sens en
            éveil mais le cœur serré d'une pesante angoisse, à la fois impatients d'en découdre mais redoutant l'issue du combat,
            les tirailleurs de l'adjudant-chef Quantin sont engagés et progressent dans la campagne normande.
                        Le 10 août, après quatre nuits passées au contact de l'ennemi, la section, recrue de fatigue, est lancée
            en direction de Souligné-le-Ballon dans la Sarthe. Elle reçoit l'ordre de s'emparer du pont de la Saunerie à Ponthouin-
            sur-l'Orne. La région est solidement tenue par l'ennemi. L'adjudant-chef Quantin fait arrêter ses half-tracks aux abords
            du pont et dirige les tirs pour appuyer les deux autres sections de la compagnie. Il commande à l'un de ses chefs de
            pièce de détruire un char allemand. C'est son dernier ordre. L'ennemi qui a traversé la rivière encercle sa section. Son
            half-track est touché par un obus. Les hommes de son équipage qui l'avaient accompagné des rives du Congo aux
            berges de l'Orne et qu'il appelait affectueusement " mes compagnons " sont tués sur le coup, L'adjudant-chef Quantin
            est mortellement blessé.
                        La Croix de Chevalier de la Légion d'honneur et la Croix de Compagnon de la Libération sont venues
            rendre hommage à ce sous-officier exemplaire, mort en soldat au service de la France, qui a montré que la foi vient à
            bout de l'impossible.
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