Page 45 - Recueil Pro Patria 151 à 300
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Paul Cheyrou-Lagrèze est né à Périgueux le 17 novembre 1923. Fils d'un médecin militaire, il passe
une partie de son enfance en Syrie et au Maroc.
A 19 ans, Il rejoint la Résistance. Puis, dans les armées de la Libération, il prend part à la
reconquête des Alpes, des Vosges, de l'Alsace et il est l'un des libérateurs de Strasbourg. La paix revenue, il reste
au service de son pays et, en février 1946, il prend le chemin de l'Indochine.
Dès ses premiers engagements contre le Viêt-minh, son courage et son abnégation sont
remarqués. En Cochinchine, il aide au dégagement d'une unité prise sous les feux ennemis et il est cité à l'ordre
er
de la division. Il rejoint, ensuite, le Bataillon porté du groupement blindé du Tonkin et, le 1 juillet 1946, il est
nommé sergent. Quelques semaines plus tard, à Hanoï, il s'élance, sous les tirs violents d'un combat de rues,
pour porter secours à trois hommes tombés devant leur véhicule. Il est cité à l'ordre du corps d'armée.
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Affecté au 2 groupe d’escadrons du Régiment d'infanterie coloniale du Maroc, il prend la tête
d'un groupe de supplétifs vietnamiens et participe à la pacification du delta du Fleuve Rouge. Cette région,
véritable labyrinthe aquatique, est favorable aux actions terroristes. En octobre 1947, le Viêt-minh s'y infiltre
pour enlever les chefs d'un village partisan. Les otages sont retenus sur une île inaccessible aux moyens
traditionnels de navigation. Chargé de les libérer, le sergent Cheyrou-Lagrèze conduit le coup de force à bord de
jonques. L'opération révèle que la zone côtière de Haïphong constitue la plaque tournante du renseignement
ennemi. Il faut donc combattre l'adversaire sur mer pour réduire ses liaisons : le sergent Cheyrou-Lagrèze
participe à la mise sur pied d'une flottille à base de jonques.
Avec un équipage bien entraîné, il poursuit sans relâche des actions d'interception en mer et des
raids sur les sites logistiques ennemis. Il pénètre dans un port viêt-minh pour y incendier le poste de guet. Une
nuit, il pousse l'audace jusqu'à remonter un fleuve sur une quinzaine de kilomètres pour arraisonner un bac et
se saisir de trois agents viêt-rninhs. La croix de guerre des théâtres d'opérations extérieurs avec étoile d'argent
vient récompenser son sang-froid et son esprit d'initiative exemplaires.
En juillet 1948, il est promu au grade de sergent-chef.
Le 20 septembre, à bord de sa jonque baptisée le "Squale", le sergent-chef Cheyrou-Lagrèze est
rejeté au large du Fleuve Rouge par un typhon, Après une semaine de dérive en pleine mer et plusieurs
accrochages, l'équipage entier est recueilli à bord d'un cargo providentiel, "l'Alexandre de Rhodes". L'épopée du
"Squale" force l'admiration : le sergent-chef Cheyrou-Lagrèze est une nouvelle fois, cité à l'ordre de la division.
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En avril 1950, affecté au 1 escadron du R.I.C.M., il s'illustre à la tête du commando Tan-Mao par
ses qualités d'entraîneur d'hommes, un sang-froid et une détermination devenus légendaires.
Le 22 août 1950, il est décoré de la Médaille militaire,
En juillet 1951, il monte à l'assaut d'un village fortifié : l'ennemi subit de lourdes pertes et
abandonne la position. Dans chacune de ses multiples actions, il se distingue par un courage exceptionnel. Le 10
janvier 1952, au cours d'une mission de reconnaissance du village de Bai-Thuong, son commando se heurte à
une très forte résistance et il doit décrocher. Resté seul en arrière pour assurer le repli de ses hommes, le
sergent-chef Cheyrou-Lagrèze est fait prisonnier.
Pieds nus sur des pistes glissantes, les mains liées, harcelé par ses gardes, il prend alors la
direction du camp de Kiem-Tom qu'il atteint au bout de plusieurs semaines d'une marche épuisante. Dans une
atmosphère étouffante de chaleur et d'humidité, les prisonniers sont torturés par la faim, privés de soins,
épuisés par les travaux et les interminables leçons d'endoctrinement. Le sergent-chef Cheyrou-Lagrèze s'évade
mais, exténué, il est repris et condamné aux fers.
Paul Cheyrou-Lagrèze ne résiste pas à l'épuisement et à la dysenterie. Il meurt le 5 novembre
1952. Il avait été promu adjudant le 1° octobre 1952 mais il n'a jamais pu porter son nouveau galon.
La croix de chevalier de la Légion d'honneur à titre posthume et une citation à l'ordre de l'armée
sont venues rendre un dernier hommage à ce sous-officier d'une exceptionnelle valeur qui a donné jusqu'au
bout la preuve de son esprit de sacrifice et de son courage au service de la France.