Page 41 - Recueil Pro Patria 151 à 300
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N     é  le  19  juillet  1901  à  Pau,  François  Bernez-Cambot  passe  sa  jeunesse  à  Livron,  humble
                          village des Basses-Pyrénées entre Pau et Lourdes. Il est le troisième d'une famille de quatre
                          enfants.
                    En 1920, à l’âge de 19 ans, il s'engage pour cinq ans dans les Troupes Coloniales. Il rejoint alors le
            4° Régiment d'Infanterie Coloniale à Toulon, avant d'être désigné pour le Levant où sa conduite au feu lui
            vaut d'être nommé caporal. Son séjour achevé, il est affecté au 14° Régiment de Tirailleurs Sénégalais à
            Mont-de-Marsan. Ses remarquables qualités foncières et son aptitude au commandement lui permettent de
                                                                                                   er
            se placer bien vite parmi les meilleurs gradés du régiment, et il voit ses mérites récompensés le-1  mai 1924
            par une nomination au grade de sergent.
                    En octobre de la même année, Bernez-Cambot est désigné pour servir au Maroc où la dissidence
            des tribus berbères du Rif dirigées par Abd el-Krim s'est singulièrement durcie depuis la défaite espagnole
            d'Anoual et menace désormais les postes du Maroc français. Affecté à la 8° compagnie du 1° Régiment de
            Tirailleurs Sénégalais, il est désigné pour prendre le commandement d'un poste isolé au sommet du djebel
            el-Bibane, à 60 kilomètres au nord de Fès. Il a sous ses ordres 2 gradés européens et 25 tirailleurs.
                    Le  12  avril  1925,  à  l'approche  d'une  importante  harka  rifaine,  les  approvisionnements  sont
            complétés et les défenses renforcées. Le 16, le poste est encerclé.
                    De l'observatoire de Trafant, où il est lui-même assiégé, son capitaine suit impuissant la lutte qui
            chaque jour oppose les défenseurs aux guerriers rifains déchaînés et de plus en plus nombreux. Dix-sept
            jours  plus  tard,  le  3  mai,  le  sergent  rend  compte  qu'il  est  blessé,  et  que  le  moral  de  ses  hommes  est
            excellent.
                    Le lendemain, alors que les tirs et les attaques contre le poste s'intensifient, un groupe mobile aux
            ordres du général Colombat tente de ravitailler Bibane : arrêté par un feu meurtrier il doit se replier. Le 13
            mai, alors que le siège dure depuis vingt-sept jours, le général Colombat parvient enfin à forcer le passage.
            Il trouve une garnison qui se présente impeccablement. Il lui apporte munitions et vivres.
                    Le  sergent  Bernez-Cambot  est  blessé  de  deux  balles.  Le  général  veut  l'évacuer :  il refuse et les
            tirailleurs sénégalais rapatriables demandent expressément à rester avec leur chef. La cohésion est d'autant
            plus forte, le moral d'autant plus magnifique que depuis plus de huit jours tous les hommes sont rationnés à
            un quart de litre d'eau par jour et à une maigre ration de nourriture.
                    Le poste voisin de Dar Rémik ayant été replié sur celui de Bibane, la garnison comprend désormais,
            outre son chef, 2 sergents, 5 soldats européens  et  48 gradés et tirailleurs. Le  25 mai,  le  groupe mobile,
            mission accomplie, se replie. Le soir même, le poste, de nouveau isolé, subit une violente attaque.
                    Les  jours  suivants,  au  prix  de  lourdes  pertes,  les  Rifains  déferlent  en  masse  sur  les  défenses
            avancées  de  Bibane.  Leurs  assauts  se  brisent  sur  l'âpre  défense  remarquablement  animée  par  le  jeune
            sergent.
                    Le 5 juin, au cinquante et unième jour de siège, Bibane subit dès l'aube un bombardement intense.
            A partir de midi, les assauts se succèdent ; une fois encore les Rifains refluent sous le feu meurtrier des
            derniers défenseurs.
                    A 14 heures, Bernez-Cambot rend compte par message optique : " Poste fichu — Adieu ". Mais les
            postes voisins, impuissants, constatent que Bibane résiste toujours. A travers les fumées des explosions, ils
            voient encore flotter les trois couleurs. Et c'est seulement à 16 heures que le dernier obus est tiré et qu'une
            horde de plus de deux mille Rifains submerge le poste et massacre la garnison.
                    Lorsqu'en  septembre  suivant,  la  première  unité  de  tirailleurs  marocains  pénètre  dans  le  poste
            reconquis,  un  spectacle  d'une  grandeur  tragique  s'offre  aux  yeux  des  arrivants  :  tous  les  cadavres  des
            héroïques défenseurs gisent à leur poste de combat, laissés par les Rifains à l'endroit même où ils avaient
            lutté jusqu'à la mort,
                    La Croix de la Légion d'Honneur à titre posthume et une citation à l'ordre de l'Armée sont venues
            rendre un dernier hommage à ce jeune sous-officier digne des plus pures traditions militaires, " qui avait su
            faire passer dans l'âme de ses hommes l'énergie indomptable qui l'animait ".
                    A Livron, dans son Béarn natal, un monument inauguré en 1927 perpétue la mémoire de l'héroïque
            défenseur du poste de Bibane qui repose, au cimetière du village, aux côtés de ses deux frères aînés morts
            pour la France durant la Grande Guerre.
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