Page 43 - Recueil Pro Patria 151 à 300
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M ort pour la France le 19 novembre 1958 à Aflou en Algérie, le sergent-chef Hugon était né
dans un humble village du Gard. 35 années plus tôt.
Son destin est lié à cette période pendant laquelle les armées de la France
menèrent trois guerres ininterrompues durant presque 20 ans. Il se battra dans ces trois guerres.
Il a 19 ans fin 1942 lorsqu'il s'engage pour 4 ans dans l'Armée de l'Air, mais à cause de l'invasion de
la zone libre, il est immédiatement démobilisé et rejoint quelques mois plus tard les filières de passeurs des
Pyrénées pour gagner la France libre.
Son périple marque le pas six mois à la prison de Miranda en Espagne, épreuve supplémentaire
obscure et cruelle pour ceux qui voulaient continuer le combat. Libéré en décembre 1943, il rejoint l'Afrique
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du Nord pour être affecté au 1 Régiment de chasseurs parachutistes dans la banlieue d'Alger. Quelques
mois plus tard, breveté parachutiste, c'est le retour sur le sol national, avec l'opération alliée " Dragon ".
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Mais son réel baptême de feu, Albert Hugon le vivra dans les Vosges. Engagé avec la 1 Division
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blindée, le 1 Régiment de chasseurs parachutistes combat pendant les trois premières semaines d'octobre
1944 : le régiment perdra dans cette action 40 % de ses effectifs... Le chasseur parachutiste Hugon y
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gagnera sa 1 citation et la croix de guerre.
Engagé pour la durée des hostilités, il est démobilisé en juin 1946.
Quatre années passent qui révèlent à Albert Hugon sa vocation : il rengage en juin 1950 au titre du
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1 R.C.P. et débarque en Indochine en septembre.
Trois mois plus tard, à Lien-Son, bien que blessé au visage par un éclat de mortier, il entraîne son
équipe de voltigeurs en avant et reçoit pour cette action sa seconde citation et la croix de guerre des T.O.E.
L'année 51 le voit nommé caporal, puis caporal-chef.
Une troisième citation vient récompenser son courage au feu avant qu'il ne soit nommé sergent le
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1 juillet 1952. Rapatrié, il sert jusqu'en janvier 1954 en Algérie avant de retourner en Extrême-Orient où il
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sera affecté à la 4 compagnie du 3 bataillon de parachutistes vietnamiens. "D'un sang-froid à toute
épreuve (...), il participe à toutes les opérations du bataillon ".
Fin juin, sous-officier adjoint de sa section, il s'illustre au cours du repli de la garnison d'An-Khé en
rompant le contact en dernier échelon, " stoppant net les éléments avancés du Viêt-minh ". Le sergent
Hugon obtient pour cette action une quatrième citation, à l'ordre de la division.
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Il quitte l'Indochine fin mars 1955, retrouve le 1 R.C.P. en Algérie et est promu sergent-chef. Le 14
juillet 1956, il est décoré de la Médaille militaire.
Le sergent-chef Albert Hugon a alors 32 ans, 12 ans de service, et il fait partie des plus anciens
sous-officiers du régiment, ceux qui furent brevetés par les Américains en 44, ceux qui se sont battus dans
les Vosges puis en Indochine.
Ses qualités morales et sa rigueur le font alors désigner par son commandant d'unité comme chef
comptable et chef de la base arrière de la compagnie lorsque celle-ci est en opération.
Mais il ne peut exprimer dans cette existence la plénitude de son engagement et demande son
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retour en section de combat : le 1 juillet 1958 il est adjoint à la 2° section de la 3° compagnie, et participe le
28 à l'opération des Portes de Fer au cours de laquelle il se distingue, mettant hors de combat 10 rebelles.
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Le 1 R.C.P. poursuit tout l'été un travail de recherche qui, payant en termes de résultats, se révèle
épuisant pour les parachutistes.
Le mois d'octobre apporte un peu de répit, trop court cependant : le 3 novembre, le régiment au
complet fait mouvement sur Aflou pour être aussitôt engagé. Plusieurs jours d'affilée le R.C.P. fouille la
région avant que les conditions météorologiques n'interdisent tout appui aérien.
Le mercredi 19 à 10 h 30, le régiment, ayant débarqué de ses véhicules entreprend de fouiller le
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plateau El Gadaa à 1200 m d'altitude, profondément entaillé par l'oued Morra. A 12 h 30, la 4 compagnie
accroche l'ennemi à courte distance. La 3 manœuvre très rapidement pour préciser le contact, deux paras
tombent.
A 14 h 15 le lieutenant Doucet, commandant de compagnie, est tué. Peu après le lieutenant Delafon
s'écroule : le sergent-chef Hugon se porte à son secours, il est atteint par une rafale rebelle et meurt au côté
de l'officier qu'il venait sauver.
La croix de la Légion d'honneur à titre posthume et une citation à Tordre de l'Armée viennent rendre
un dernier hommage à ce sous-officier qui, après douze ans de combat faisait librement l'ultime sacrifice.