Page 293 - Recueil Pro Patria 151 à 300
P. 293

Adjudant William BARRET

                        W
                                   illiam Barret est né le 25 avril 1923 à Montargis dans le département du Loiret. Il a 17 ans en
                                   1940  lorsque  l’armée  Allemande  envahit  la  France.  La  patrie  est  en  danger,  son  pays
                                   sombre  rapidement  dans  la  défaite.  L’armistice  de  juin  1940  permet  à  la  France  de
                                   sauvegarder  une  partie  de  son  armée  en  Zone  Libre  et  dans  les  colonies  françaises.
                                   L’armée d’armistice est ainsi crée et il la rejoint pour servir son pays avec le très vif espoir
            d’une revanche sur l’envahisseur. C’est dans ce contexte, comme beaucoup de ses compatriotes, qu’il s’engage au titre
            du 6e régiment de tirailleurs sénégalais pour le service général des troupes coloniales.
                  Son régiment est stationné au Maroc sur trois sites, Casablanca, Marrakech et Fès. Très vite, il montre de belles
            qualités physiques et intellectuelles. Il est nommé caporal, le 1er juillet 1942. L’instruction et l’entraînement sont très
            durs. Le régiment affirme sa présence dans toute la région par des patrouilles appelées « tournées de police ». Les
            marches  sont  épuisantes.  En  novembre  1942,  les  américains  débarquent  au  Maroc  à  Casablanca,  les  tirailleurs
            subissent pendant trois jours et trois nuits des bombardements d’une rare intensité. C’est la fin de la campagne d’Afrique
                                              e        e                                                e
            du Nord avec l’armée d’armistice pour le 6  RTS. La 9  division d’infanterie coloniale monte en puissance avec le 6  RTS
            dans ses rangs au côté de la force alliée américaine. Pendant ce temps, William est au peloton d’élèves sous-officiers
            avec son camarade de tous les instants, le caporal-chef Lombard. Ils resteront toujours ensemble dans la même unité, la
             e       er          e
            2  Cie du 1  bataillon du 6  RTS, de la campagne de France en Indochine.
                                                   er
                  William  Barret est nommé sergent, le  1   juin 1943.  Il est affecté  comme chef  de  groupe  mortier  à  la section
                        e
                                 e
            d’appui de la 2  Cie. La 9  DIC quitte le Maroc pour l’Algérie en août 1943 et continue son entraînement intensif avec la
            force alliée. Dans les rangs, le bruit d’un possible débarquement attise la motivation des hommes. La revanche tant
            attendue se précise de jour en jour. La joie déborde des cœurs et s’exprime dans le chant de la 9e DIC, composé par un
            jeune officier « Nous rentrerons tous en France ».
                              e                   re
                  Avril 1944, le 6  RTS appartient à la 1  armée française, commandée par le général de Lattre de Tassigny. Il
            appareille à Alger sur l’Elbiar, en direction de la Corse en base avancée d’un futur débarquement. L’objectif immédiat
            n’est pas encore la France mais l’île d’Elbe. Le débarquement a lieu le 18 juin 1944 sous une pluie d’obus face à 3 000
            allemands. C’est le baptême du feu pour le sergent Barret. L’île est conquise le 2 juillet, constituant ainsi la première
            victoire de la division d’infanterie coloniale. Le général de Lattre de Tassigny vient féliciter les tirailleurs sénégalais.
                  La  division  rejoint  la  Corse  en  attendant  l’ordre  d’opération  pour  la  mère  patrie,  la  route  vers  la  France  est
            maintenant inéluctable et transcende l’esprit de ces jeunes Français habillés et équipés avec du matériel américain. Ils
            sont fiers d’arborer leur casque US, personnalisé par l’ancre d’or des troupes coloniales et le drapeau tricolore.
                  Le D-Day pour le débarquement de Provence est fixé au 18 août 1944, en deuxième échelon de trois divisions
                    e
            US.  Le  6   RTS  débarque  sans  difficulté  au  sud-ouest  de  Saint-Raphaël,  sur  la  plage  de  la  Nartelle.  Les  combats
            s’engagent  violemment  pour  la  prise  de  Toulon,  centre  de  la  résistance  allemande  sur  la  côte  méditerranéenne.  Le
            sergent Barret, à la tête de son groupe mortier fait preuve d’un sang-froid exemplaire. Par la dynamique de son action et
            la précision de ses tirs, il cause de nombreuses pertes à l’ennemi et permet à une section de sa compagnie, prise sous
            le feu intense des mitrailleuses allemandes de pouvoir assurer son repli. Il sera blessé par un éclat d’obus à l’épaule
            gauche. Rapidement soigné, il refuse l’évacuation et reste au commandement de son groupe. Pour ces faits, il reçoit sa
            première citation à l’ordre du régiment, le 23 août 1944.
                                              e
                  Après  l’action  déterminante  du  6   RTS  pour  la  libération  de  Toulon,  le  régiment  continue  son  action  de  la
            Provence  jusqu’à  l’Alsace.  Les  combats  victorieux  s’enchaînent.  Nous  sommes  en  novembre  1944,  les  conditions
            climatiques deviennent de plus en plus difficiles pour les tirailleurs. Les vaillants Sénégalais quittent progressivement les
                        e
            rangs  de  la  9   DIC  pour  être  remplacés  par  des  jeunes  engagés  venant  de  toutes  les  régions  de  France.  C’est  le
                                         e              e
            « blanchiment » de la division, le 6  RTS devient le 6  régiment d’infanterie coloniale. Le sergent Barret est à nouveau
            cité  à  l’ordre  de  la  division  pendant  l’attaque  d’Écot,  le  14  novembre  1944  où  il  détruit  successivement  deux  fortes
            résistances ennemies qui arrêtaient la progression des voltigeurs, par son courage et la maîtrise de ses mortiers.
                  Il  est  nommé  sergent-chef  à  titre  exceptionnel  pour  faits  de  guerre  le  16  décembre  à  Muespach  au  sud  de
            Mulhouse.  L’offensive  victorieuse  continue  par  la  conquête  de  Mulhouse,  puis  Strasbourg.  Le  régiment  poursuit  son
            action  en  Allemagne,  en  franchissant  le  Rhin  à  Spire  en  avril  1945.  Les  combats  s’engagent  violemment  face  aux
                                                                                         e
            résistances allemandes au sud de Karlsruhe, le chef Barret, devenu sous-officier adjoint à la 3  section s’illustre par sa
            vaillance  et  son  exemplarité  dans  les  combats.  Toujours  à  la  tête  de  ses  hommes,  blessé  par  des  éclats  de  balles
            explosives à la jambe droite dans les violents combats de Schenbenhardt, il se fait soigner rapidement, refusant une
            nouvelle  fois  l’évacuation.  Il  se  distinguera  le  surlendemain  à  la  prise  de  Rastatt puis  Buhl  où  il  fait  prisonnier  deux
            officiers supérieurs allemands. Il obtient une troisième citation à l’ordre du corps d’armée.
                  William  est  à Wurtemberg  avec  son  régiment  lorsqu’il  apprend  la  capitulation  allemande  du  8  mai  1945.  Les
            hommes  chantent  la  Marseillaise  et  l’hymne  de  l’infanterie  de  marine.  Il  ressent  un  sentiment  bizarre ;  il  n’a  pas
            l’impression que la guerre est finie. Il restera en Allemagne jusqu’en octobre 1945 où son régiment redescend dans le
            sud de la France. Le 27 octobre, il embarque sur le Pasteur pour d’autres horizons à destination de l’Indochine.
                  La France doit rétablir sa souveraineté et assurer la sécurité de ses ressortissants dans son ancienne emprise
            coloniale  totalement  déstabilisée  depuis  la  guerre.  Il  débarque  à  Nha-Thang  le  20  novembre  1945  où  de  très  durs
                                                                         er
            combats commencent dès le mois de décembre. Il est nommé adjudant le 1  janvier 1946. Il s’illustre à nouveau lors de
            nombreux  affrontements,  avec  toujours  la  même  hardiesse,  jusqu’en  juin  1946  où  il  est  subitement  atteint  d’une
            inquiétante maladie. Rapatrié sanitaire en urgence par avion vers la France, il s’éteint le 25 juillet 1946 d’un cancer
            généralisé dans les bras de son frère Roland à l’hôpital militaire de Villejuif.
                  Juste avant son décès, il reçoit la Médaille militaire le 14 juillet 1946 à 23 ans. Décoré de la Croix de guerre 1939-
            1945 avec 4 citations, blessé deux fois au combat, il obtient la mention : « Mort pour la France ». Jeune sous-officier
            exemplaire parmi ses vaillants tirailleurs Sénégalais et camarades de l’infanterie coloniale, William était animé des plus
            nobles vertus militaires et mérite d’être cité tout particulièrement en exemple pour les jeunes élèves sous-officiers de la
               e
            295  promotion.
   288   289   290   291   292   293   294   295   296   297   298