Page 219 - Recueil Pro Patria 151 à 300
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Sergent-chef Pierre CHATEL


                        P
                              ierre Chatel est né le 21 octobre 1927 à Foulcrey en Moselle. Orphelin de père à
                              11 ans, il connaît une enfance difficile. Lors de l'invasion allemande de 1940, sa
                              famille s'installe dans l'Hérault où le jeune Chatel apprend la mécanique.

                        Il a tout juste 17 ans quand il s'engage le 25 octobre 1944 pour la durée de la guerre
                           re
            au sein de la 1  Division Française Libre. Affecté au Bataillon de Marche n° 5, le soldat Chatel se
            distingue par son courage et son allant au cœur des combats du terrible hiver de la reconquête. Il
            obtient  pour  son  comportement  exemplaire  sa  première  citation  à  l'ordre  de  la  brigade  en
            décembre 1944. Il est blessé à la main lors de l'attaque d'Illwald le 23 janvier 1945. Démobilisé le
            17 octobre 1945, il se retire dans son village natal. Durant 2 ans, il travaille comme mécanicien
            mais, assoiffé d'action et d'aventure, il choisit de servir à nouveau son pays.
                                                                        e
                                      er
                        Rengagé  le  1   septembre  1947  au  titre  du  5   Bataillon  Parachutiste  d'Infanterie
            Coloniale, il est nommé caporal dès le mois suivant. Il obtient son brevet de parachutiste et dans la
            foulée, chose exceptionnelle, le brevet de moniteur. Promu coup sur coup caporal-chef en avril
            1948  puis  sergent  en  juillet,  il  est  désigné  pour  rejoindre  le  Corps  Expéditionnaire  Français
                                                                          e
            d'Extrême-Orient et embarque pour l'Indochine.  Affecté au 5   Bataillon Colonial de Commandos
            Parachutistes, il parcourt la Cochinchine, l'Annam et le Tonkin avant de rentrer en métropole en
            février 1951.

                        De  retour  en  Indochine  7  mois  plus  tard,  il  rejoint  le  Groupement  de  Commandos
            Mixtes  Aéroportés,  qui  constitue  la  branche  action  des  services  spéciaux.  Après  le  repli  des
            troupes  françaises  du  Tonkin  et  du  nord  Laos,  les  minorités  ethniques  de  la  Haute-Région
            s'organisent en foyers de résistance. Face au Viêt-Minh et à la Chine qui tentent d'étendre leur
            emprise idéologique et militaire, ces peuples de farouches montagnards restent majoritairement
            fidèles à la France et refusent l'oppression communiste. Largués en enfants perdus sur les arrières
            des Viêt-Minh, les soldats en noir du GCMA ont pour mission de soutenir le développement de
            maquis autochtones.
                        C'est le départ d'une formidable épopée pour le sergent Chatel qui va mener la guérilla
            au côté des partisans qu'il aura recrutés, armés et formés. Isolé en pays Thaï, le maquis « Colibri
            » a pris forme et très vite, attaque des éléments viêt-minh retranchés. Les obligeant à se replier, il
            maintient intactes ses positions malgré les contre-attaques. De mai à juin 1953, avec toujours plus
            de  cran  et  d'audace,  le  sergent  Chatel  rallie  et  arme  de  nouveaux  partisans.  En  harcelant  les
            régiments  réguliers  sans  répit,  il  crée  une  ambiance  démoralisante  sur  les  arrières  ennemis  et
            pèse sur leurs flux logistiques.

                        Exceptionnel  chef  de  guérilla,  il  est  cité  à  trois  reprises,  accrochant  ainsi  une  étoile
            d'argent et deux palmes à sa croix de guerre des théâtres des opérations extérieures. Il est promu
            sergent-chef en juillet 1953 et deux mois plus tard, se voit décerner la médaille militaire.
                        Cependant, les combattants Thaï et Méo du maquis « Colibri » subissent en octobre le
            choc d'une violente et massive offensive du Viêt-Minh qui ne peut tolérer un tel revers militaire et
            politique.  Malgré  une  résistance  acharnée,  le  maquis  «  Colibri  »  est  submergé  et  finit  par
                               er
            succomber.  Le  1    décembre  1953,  le  sergent-chef  Chatel  et  le  sergent  Schneider  sont  faits
            prisonniers. Traduits devant un tribunal du peuple et condamnés à mort, ils sont pendus. Leurs
            corps ne seront jamais retrouvés. Déclaré mort pour la France le 24 juin 1959, Pierre Chatel est
            fait chevalier de la Légion d'Honneur à titre posthume le 15 mars 1961.

                        Combattant légendaire, ce sous-officier d'élite aura fait rayonner, au service du pays et
            de  la  Liberté,  les  plus  belles  qualités  du  corps  des  sous-officiers.  Si  la  mémoire  des  maquis
            d'Indochine est longtemps demeurée dans l'ombre du fait du caractère secret des opérations, le
            sergent-chef  Chatel  inscrit  désormais  son  nom  dans  l'histoire  militaire  de  la  France  et  offre  un
            magnifique exemple aux jeunes générations.
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