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datée de 1852 . À cette époque, elle suscite l’émotion       Méconnu,  perdu,  inexistant,  les  qualificatifs
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           comme l’écrit Albert Soubies  : « une réussite éclatante  concernant le tableau La Répétition, ne manquent pas.
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           et durable, celle de Si j’étais roi ! d’Adolphe Adam ».  Les aléas de la redécouverte de ce témoignage pictural
           Au  regard de l’actualité musicale des années 1880,  en symbolisent une certaine désaffection. Ainsi, cette
           les transcriptions d’ouvertures – et plus généralement  pièce patrimoniale  « oubliée  dans le transfert des
           les œuvres de divertissement – prennent une ampleur  différentes administrations » a finalement été prise en
           nouvelle. Ce phénomène répond à un but éducatif où  charge par la Délégation au Patrimoine de l’armée de
           l’arrangement d’opéras ou d’opérettes est, comme le  Terre .  L’Office  national  des  anciens  combattants  et
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           souligne Jérôme Cambon, indispensable à l’édification  victimes de guerre (ONACVG) a accepté la propriété
           d’une culture commune. Ce dernier explique  le rôle  de  l’œuvre.  Magnifiquement  restauré  entre  2019  et
           idéologique des sociétés musicales : « La valorisation  2020 par l’Atelier du Pigeonnier ,  ce tableau, dans
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           d’un répertoire national rassemble non seulement les  ses dernières tribulations, est déposé  au sein  de
           Français autour de valeurs communes, mais contribue  l’espace muséal du Commandement des musiques
           également à cultiver un esprit de revanche qui anime  de  l’armée  de  Terre  (COMMAT) .  Pourtant,  outre la
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           le pays après le conflit de 1870 » . En fallait-il plus à  rareté de la représentation d’une harmonie militaire en
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           Eugène Chaperon pour l’inclure dans son tableau ?      cette fin de XIX  siècle, l’attachement à faire vivre le
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                                                                  lien Armée-Nation, parfois complexe et souvent jugé
                                                                  comme insuffisant, est toujours incarné avec brio par
                                                                  les peintres aux armées.

                                                                                          Lieutenant  Jean Tartare
                                                                                                      (R)














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                            La douche au Régiment.                                      né le 7 février 1857 à Paris,
             Huile sur toile, Eugène Chaperon, 1887. H. 54; L. 81 cm. Coll. privée  décédé le 27 décembre 1938 à Paris.


           ( ) Robichon François, La Peinture militaire française de 1871 à 1914, Paris, Asso-  ( ) Les instruments comprennent : 2 flûtes (une grande et une petite), 2 petites
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           ciation des amis d’Édouard Detaille, Bernard Giovanangeli, 1998, p. 26.  clarinettes, 4 grandes clarinettes, 8 saxophones (2 sopranos, 2 altos, 2 ténors, 2
           ( ) Peintre militaire (1813-1875), il est professeur à l’école des beaux-arts en 1863.   barytons), 2 cornets à pistons, 2 trompettes à cylindre, 3 trombones, 2 saxhorns-
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           Son œuvre la plus connue demeure Rouget de L’Isle chantant la Marseillaise pour   contraltos  si-bémol,  3  saxo-trombas-altos  mi-bémol,  7  saxhorns  (2  barytons
           la première fois (1849).                               si-bémol, 3 basses si-bémol à quatre cylindres, 1 contre-basse mi-bémol, 1 contre-
           ( ) Créée en 1673, cette manifestation artistique se tient tous les ans ou tous les   bassegrave si-bémol), une caisse claire ou roulante, une grosse caisse, et une
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           deux ans. En 1881, elle est organisée par la Société des Artistes Français. Un cer-  paire de cymbales. La composition instrumentale est celle arrêtée par le décret du
           tain nombre d’autres salons voient le jour par la suite.  26 mars 1860, page 78 (Art. I  du décr. du 5 octobre 1872, p. 614, Charbonneau
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           ( ) Arsène Alexandre, Histoire de la peinture militaire en France, Paris, Bibliothèque   E., op.cit., p. 272).
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           d’histoire et d’art, Henri Laurens Éditeur, 1889, p. 329.  ( ) Un autre carton, posé au centre verticalement, laisse apparaître les termes « 66
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           ( ) Arrêté du 22 avril 1914. La quasi-totalité des membres de la Société des peintres   [illisible] Galop Viennoise ».
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           militaires est alors reconnue.                         ( ) Le chef de musique, selon l’article 40 de l’instruction ministérielle du 26 avril
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           ( ) « Les premiers tableaux du genre étaient apparus quelques années plus tôt avec   1884 (inspections administratives), doit tenir un catalogue des partitions et mor-
           Le Lavabo à la caserne (1879) d’Aublet et La soupe (1880) de Neymark ». Robi-  ceaux de musique.
           chon François, La peinture militaire..., op.cit., p. 98.  ( ) Cet opéra-comique raconte les aventures d’un jeune pêcheur nommé Zéphoris
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           ( ) Robichon François, L’armée française vue par les peintres, 1870-1914, Paris,   qui sauve une princesse de la noyade et parvient à accéder au trône tout en
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           Herscher - ministère de la Défense, 1998, p. 18.       démantelant les sombres projets d’un infâme ministre.
           ( ) La loi du 15 juillet 1889 réorganise le service militaire qui est porté à trois ans, il   ( ) Soubies Albert, Histoire du Théâtre-Lyrique, 1851-1870, Paris, Librairie Fis-
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           devient réellement universel en 1905.                  cbacher, 1899, pp. 6-10.
           ( ) Anonyme, « Beaux-Arts, La répétition au régiment, tableau du Salon de 1885   ( ) Cambon Jérôme, Les trompettes de la République : Harmonies et fanfares en
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           par M. Chaperon », Le Voleur illustré n° 1473, Paris, 24 septembre 1885, p. 618.   Anjou sous la III  République, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011,
                                                                             e
           L’illustration figure en pages 616 et 617.             pp. 243-299.
           ( ) Gil Blas n° 2000, art.cit..                        ( ) Cambon Jérôme, Les trompettes de la République : Harmonies et fanfares en
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           ( ) Richard Jules, Salon militaire de 1886.            Anjou sous la III  République, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011,
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           ( ) Richard Jules, op.cit.                             pp. 243-299.
           ( ) Les chefs de musique se distinguent en deux classes (1  et 2 ).  ( ) Commandée aujourd’hui par le général Gilles Perchet, la DELPAT est respon-
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           ( ) Article Premier du décret du 5 octobre 1872 et loi du 13 mars 1875. Chaque   sable de l’ensemble du patrimoine de l’armée de Terre et gestionnaire des biens
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           année, les régiments d’infanterie bénéficient d’une somme de 7 000 francs pour   interarmées et interservices du ministère des Armées. En 2019, elle se voit, sous
           l’entretien de leur musique. Cette somme est mise à la disposition du conseil d’ad-  l’égide du général Dominique Cambournac, confier la restauration de ce tableau.
           ministration du régiment qui en dispose librement. Charbonneau E., Recueil ad-  ( ) Atelier du Pigeonnier, 82, rue de Varenne, 75007 Paris.
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           ministratif à l’usage des corps de troupes de toutes armes, 4  édition, Charles La-  ( ) Cette institution est située à Satory. Elle est héritière des premières musiques
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           vauzelle, Paris, 1885, pp. 269-276. La Garde républicaine comprend à l’époque 54   militaires d’harmonie qui apparaissent en 1792.
           musiciens dont la masse annuelle d’entretien est de 30 000 francs.
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