Page 79 - Recueil Pro Patria 151 à 300
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D      aniel Bernard est né le 14 mai 1914 à Eterpigny, dans le Pas-de-Calais. Il
                                 est  le  dernier  d'une  famille  de  dix  enfants.  Après  l'obtention  de  son
                                 certificat  d'études,  il  travaille  quelque  temps  à  la  ferme  familiale.  Mais  il
               rêve d'une vie plus exaltante faite de voyages et d'aventures. A 21 ans, il décide de s'engager
               au 21e régiment d'infanterie coloniale.
                          Daniel  Bernard  quitte  alors  la  France  pour  le Maroc  où  il  restera  deux ans.  Sa
               valeur et sa volonté tenace lui valent d'être nommé sergent dans les premiers jours de 1939.
               Au mois de juillet, il est envoyé en renfort au Levant en Syrie. Puis, le sergent Bernard revient
               en France non occupée en novembre 1940 avant d'embarquer pour l'Indochine en avril 1941.
                          Là-bas, les Japonais occupent déjà tout le nord du pays. Dans la nuit du 9 mars
               1945, le sergent Bernard, à la tête de 35 tirailleurs indochinois et quelques Européens, est
               chargé de la défense du village de Langson, au Tonkin. C'est alors qu'un combat meurtrier
               éclate;  les  Japonais,  très  supérieurs  en  nombre,  prennent  d'assaut  la  forteresse.  Daniel
               Bernard  fait  preuve  de  sang-froid  et  d'un  sens  élevé  du  devoir.  Galvanisant  sa  section,  il
               résiste vaillamment aux attaques continues de l'ennemi, infligeant à celui-ci de lourdes pertes.
               Ce n'est que le lendemain en fin de journée qu'il est fait prisonnier et envoyé au camp de
               Hoa-Binh. Il a perdu, au terme d'une tutte sanglante, les deux tiers de sa section.
                          Daniel  Bernard  connaît  alors  les  plus  dures  privations  et  les  plus  atroces
               souffrances. Le 22 mars, il reçoit un coup de baïonnette à l'aine droite. Quatre mois plus tard,
               il est à nouveau battu par des gardes japonais à coups de baïonnette, de crosse de fusil et de
               coups de pied dans l'abdomen. Libéré en septembre 1945, le sergent Bernard est hospitalisé
               d'urgence à Hanoï pour une intervention chirurgicale, ainsi que pour des soins intensifs pour
               faiblesse  générale.  Il  ne  pesait  plus  que  36  kg  à  sa  sortie  du  camp,  atteint  de  dysenterie
               amibienne et de paludisme chronique. Il y est soigné jusqu'à fin décembre 1945.
                          Ecourtant sa période de convalescence, il reprend part à la lutte contre le Viêt-
               minh.  Mais  ses  blessures,  mal  cicatrisées,  se  rouvrent  et  le  contraignent  au  rapatriement
               sanitaire sur la France. Il est alors affecté au centre administratif des troupes coloniales où il
               est nommé sergent-chef. En 1948, promu sergent-major, il repart pour la deuxième fois en
               Indochine  dans  le  bataillon  colonial  de  Saigon  Chalon.  Pendant  deux  ans,  il  va  combattre
               activement  le  Viêt-minh,  se  distinguant  à  maintes  reprises,  tout  particulièrement  dans  le
               secteur de Nhabe en Cochinchine.
                          Après un court séjour en France, il rejoint l'Indochine pour la troisième fois.
                          Le  26  janvier  1953  au  Tonkin,  Daniel  Bernard  escorte,  avec  ses  hommes,  une
               chaloupe chargée de munitions vers  le secteur de Nin Giang. Lors d'un rétrécissement du
               canal, l'embarcation est prise à parti par un fort élément Viêt-minh installé de part et d'autre
               de la voie d'eau. Les rebelles attaquent la chaloupe à l'aide d'armes automatiques et de lance
               roquettes  antichar.  Il  faut  réagir  vite  !  Une  fois  de  plus,  le  sergent-major  Bernard, toujours
               calme, fait preuve d'un sens avisé de la manœuvre. Ne disposant que d'un armement léger, il
               réussit à contenir l'ennemi jusqu'à l'arrivée d'un renfort aérien.
                          Après la fin de la guerre en Indochine, Daniel Bernard revient en France au début
                                                                         e
               de  l'année  1955.  Il  se  porte  volontaire  pour  servir  au  2   régiment  d'infanterie  coloniale,
               stationné à Djeurf en Algérie. Le 5 avril 1956, au cours d'une patrouille à quelques kilomètres
               de son poste, sa section tombe dans une embuscade. Encerclé par des rebelles, il leur tient
               tête. Pendant plus de deux heures, il se bat sans faiblir, motivant ses hommes. L'adjudant
               Bernard est alors frappé d'une balle en pleine poitrine. Il décède peu après.
                          D'une bravoure exceptionnelle, l'adjudant Daniel Bernard avait un mépris complet
               de la mort. Aimé de tous, d'un dévouement sans réserve, il était un magnifique exemple de
               qualités guerrières. La légion d'honneur et la médaille militaire ornaient la poitrine de ce sous-
               officier  exceptionnel,  mort  à  42  ans,  qui  a  donné  tant  de  fois  la  preuve  de  son  esprit  de
               sacrifice et de son courage au service de la France.
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