Page 167 - Recueil Pro Patria 151 à 300
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                               îné de trois enfants, Lucien RUTHY est né le 31 juillet 1921 à Colmar en
                               Alsace. Après la défaite des armées françaises face à l'armée allemande
                               en juin 1940, c'est à Pau, en zone libre que son père, cadre à la SNCF,
             décide de s'installer avec sa famille pour fuir l'annexion de sa région natale par le Reich.
             C'est également dans cette ville qu'à 20 ans, Lucien s'engage dans l'armée d'armistice au
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             titre  du  2   régiment  de  Zouaves.  Peu  après,  il  embarque  à  Marseille  pour  l'Algérie  et
             rejoint son unité à Oran le 11 juin 1941.
                                                                                               e
                        Promu caporal en novembre 1942, il voit son régiment devenir le 2  bataillon de
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             Zouaves portés au sein du Combat Command n° 3 de la 1  DB créée en 1943 et équipée
             de  matériel  américain.  En  février  de  la  même  année,  RUTHY  reçoit  ses  galons  de
             sergent. Dès lors, il subit un entraînement intensif. En juin 1944, il est promu sergent-chef
             au moment où la division est rassemblée en attendant de partir libérer la France.

                        Le  10  septembre  1944,  il  débarque  à  Sainte-Maxime.  Il  participe  à  la
             chevauchée  qui  conduira  en  trois  mois  l'armée  de  Lattre  des  côtes  de  Provence  aux
                                                                                     e
             portes de l'Alsace. Après la remontée de la vallée du Rhône, le 2  BZP ne tarde pas à
             connaître son baptême du feu. Le 25, dans les Vosges il participe à l'assaut du massif
             boisé du mont de Vannes, bastion puissamment défendu par les jeunesses hitlériennes
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             encadrées par des éléments de la 30  division de Waffen SS. Dans la bataille, ce chef de
             groupe  de  choc  affronte  l'ennemi  avec  audace  et  il  n'hésite  pas  à  le  poursuivre.  Le  4
             octobre,  lors  de  l'attaque  de  Mielin,  il  remplace  spontanément  un  de  ses  camarades
             commandant une pièce de mitrailleuse particulièrement exposée. Pour l'ensemble de ces
             faits d'armes, il est récompensé par la croix de guerre avec étoile de bronze.

                        Il prend part ensuite à l'attaque du dispositif allemand dans la trouée de Belfort,
             puis à partir du 19 novembre à l'exploitation en direction du Rhin effectuée par le CC3.
             Son  bataillon  est  la  première  unité  d'infanterie  alliée  à  atteindre  le  fleuve.  Le
             surlendemain,  il  entre  dans  Mulhouse  et  découvre  l'enthousiasme  des  populations
             libérées.  Il  partage  cet  enthousiasme  lorsque  dans  une  lettre  adressée  à  sa  famille  il
             s'écrit alors : « Mais qui allait nous arrêter !? ». Le 25, devant Hochstatt ses chefs ayant
             été  mortellement  blessés,  il  prend  le  commandement  de  la  section  et  pénètre  dans  le
             village. Une deuxième étoile de bronze vient récompenser son allant. Le 29, après une
             lutte acharnée, le CC3 enlève Burnhaupt, mettant ainsi fin à la bataille de Haute-Alsace :
                                                                                              re
             20 000 prisonniers, 100 chars et autant de canons constituent le bilan de la 1  Armée.
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                        Mais le commandement de la 1  Armée craint une action allemande dans la
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             région de Mulhouse liée à la contre-offensive dans les Ardennes. Aussi la 1  compagnie
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             du  2   BZP,  celle  de  RUTHY,  est-elle  détachée  à  Heimsbrunn  début  janvier  afin  d'en
             renforcer la défense avec un bataillon du « 15-2 ».
                        Peu  après,  à  Schoenensteinbach,  non  loin  de  Pulversheim,  verrou  de  la
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             défense ennemie au nord de Mulhouse, le 2  BZP participe aux furieux combats pour la
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             libération  de  la  poche  de  Colmar.  Le  1   février,  adjoint  d'une  section  de  fusiliers
             voltigeurs, RUTHY n'hésite pas, une fois encore, à prendre le commandement au moment
             où son chef est tué. Peu après, il est lui-même gravement blessé par des éclats d'obus et
             décède le lendemain à 30 km de sa ville natale. Pour ce fait d'armes, il reçoit une citation
             à l'ordre de l'armée.
                        Médaillé militaire, ce sous-officier de l'Armée d'Afrique laisse derrière lui l'image
             d'un soldat discipliné, volontaire, pourvu d'une autorité naturelle et aimé de ses hommes.
             Il a contribué à perpétuer les grandes traditions des Zouaves au service de la France, ces
             « traditions de courage et d'héroïsme » que le général de Gaulle leur a reconnu en 1945.
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