Page 303 - Recueil Pro Patria 151 à 300
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Sergent-chef Victor ITURRIA
                        V        ictor  ITURRIA  est  né  le  22  octobre  1914  à  Bassussary  dans  les  Pyrénées
                                 atlantiques. La famille Iturria s’installe ensuite dans les montagnes du pays basque,
                                 près de la frontière espagnole, à Sare. Lors de ses temps libres, il s’adonne à sa

                                 passion,  la  pelote  basque.  Très  doué  à  ce  jeu  ardent  et  doté  d’une  excellente
                                 condition physique,  il deviendra un des meilleurs joueurs de pelotari dans toute la
            région. Il connaîtra aussi très tôt l’aventure et le risque des chemins de la contrebande pour améliorer le
            quotidien d’une famille de onze enfants.
                  En 1935, il effectue son service militaire de deux ans au 20e régiment de dragons situé à Limoges.
            Les  évènements  internationaux  s’enchaînent  et  l’Europe  s’embrase  dans  un  conflit  mondial.  La  France
            déclare la guerre à l’Allemagne le 3 septembre 1939. Victor Iturria est mobilisé comme tireur au canon de 25
            mm dans une compagnie antichar sur la frontière franco-belge. Il se couvre de gloire en détruisant à lui seul
            sept chars ennemis dans la même journée. Pour ces faits, il sera cité à l’ordre de l’armée et obtiendra la
            croix de guerre 1939-1945 avec une palme.
                  Blessé  grièvement  aux  jambes,  le  23  mai  1940  à  Souchez,  il  est  évacué  sur  un  navire  hôpital  à
            Dunkerque  pour  être  hospitalisé  en  Angleterre.  Pendant  ce  temps,  l’armée  française  ne  parvient  pas  à
            contenir l’invasion allemande ; c’est la défaite, la capitulation malgré l’appel du général de Gaule, le 18 juin
            1940.
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                  À peine remis de ses blessures, il s’engage à la 1  compagnie de l’infanterie de l’air, commandée par
            le capitaine Bergé. Victor Iturria est un soldat modèle qui se fait remarquer par son calme et son efficacité
            dans tous les domaines. Ses qualités de pelotari font de lui un lanceur de grenades extraordinaire. Il est
                                                                           re
            breveté  parachutiste  n°  407,  le  21  février  1941.  En  mai  1941,  la  1   compagnie  parachutiste  achève  sa
            formation et son entraînement intensif. Les hommes sont prêts et désirent être engagés avec la force alliée
            britannique sur tous les théâtres d’opérations.
                  Le 21 juillet 1941, les « paras » du capitaine Bergé embarquent sur le Cameronian en direction du
            Moyen Orient. Les anglais livrent une dure bataille contre l’armée allemande de Rommel en Afrique du Nord.
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            En  septembre,  la  1   compagnie  de  parachutistes  prend  alors  l’appellation  de  peloton  parachutiste  du
            Levant.
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                  Victor Iturria est nommé caporal le 1  décembre 1941. Son unité s’installe à Kabrit, sur les rives du
            canal de Suez. Elle est aussitôt intégrée à la « Spécial Air Service » (SAS) britannique, commandée par le
            major  Stirling.  Les  SAS  français  prennent  le  nom  de  French-squadron  et  débutent  l’entrainement  et  les
            opérations  franco-anglaises.  Ils  arborent  maintenant  avec  fierté  sur  leur  calot  l’insigne  des  SAS  avec  la
            célèbre devise « WHO DARES WINS » (qui ose gagne).
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                  Nommé  caporal-chef  le  1   mai  1942,  il  se  distingue  plus  particulièrement  lors  de  l’attaque  de
            l’aérodrome  de  Berka  III,  près  de  Benghazi  en  Libye.  Le  groupe  commando  est  constitué  de  cinq  SAS
            français  aux  ordres  de  l’aspirant  Zirnheld.  Les  tirs  précis  des  grenades  lancées  par  Iturria  permettent  de
            neutraliser rapidement les sentinelles pour ensuite détruire successivement les aéronefs. L’aspirant Zirnheld,
            chef prestigieux et auteur de la célèbre prière du para, décèdera au combat quelques mois plus tard, le 25
            juillet 1942, en mission avec Iturria.
                  Les  parachutistes  SAS  de  la  France  Libre  effectuent  ainsi  de  nombreux  coups  de  main  contre  les
            aérodromes  ennemis  en  Libye,  en  Crête  et  en  Tunisie.  Ils  détruiront  plus  de  400  avions  allemands  ou
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            italiens. Nommé sergent le 1  septembre 1942, il est décoré de la military medal (médaille militaire anglaise)
            pour souligner son engagement remarquable.
                  En  janvier  1943,  toujours  sur  la  brèche,  Iturria  part  du  Caire  dans  la  patrouille  du  sous-lieutenant
            Legrand pour une longue expédition dans le sud tunisien. C’est encore un long raid de 3 000 km en jeep
            depuis la base d’Égypte. Ils reçoivent l’ordre de détruire les rares communications amenant le ravitaillement
            aux unités de Rommel. L’opération réussit et déstabilise totalement le dispositif ennemi. En février 1943, le
            sergent Iturria rejoint l’Algérie où le général Giraud le décore de la médaille militaire.
                  Les  survivants  de  l’unité  se  retrouvent  en  Grande-Bretagne  et  forment  avec  le  flot  toujours  plus
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            nombreux des évadés de France le 4  bataillon d’infanterie de l’air (BIA) sous les ordres du commandant
            Bourgoin.  Nommé  sergent-chef  le  16  juin  1943,  il  se  prépare  activement  avec  ses  hommes  dans  la
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            perspective  du  débarquement  en  France.  Le  4   BIA  change  d’appellation  et  devient  en  juillet  1944,  le  2
            régiment de chasseurs parachutistes de l’armée de l’air (RCP).
                  Le sergent-chef Iturria  est  parachuté en France au-dessus de la Bretagne le 4 août  1944 où il est
            engagé  sur  tous  les  fronts  avec  son  unité.  Dans  la  matinée  du  25  août  1944  près  de  Blain,  il  est
            mortellement  atteint  au  volant  de  sa  jeep  par  les  tirs  d’une  mitrailleuse.  Son  corps  sera  attaché  et
            sauvagement  traîné  par  les  allemands  derrière  son  propre  véhicule.  Avant  de  quitter  la  région,  il  voulait
            arrêter une femme qui donnait aux allemands les positions des unités alliées.
                  Ainsi disparut le brillant « baroudeur » commando parachutiste à l’aube de la libération de sa chère
            patrie. Fervent patriote, il est mort en voulant lutter contre la trahison qu’il ne supportait pas.
                  Chevalier de l’ordre de la Légion d’honneur, compagnon de la Libération et officier de la médaille de la
            Résistance à titre posthume, deux fois cité, médaillé militaire, le sergent-chef Victor Iturria était animé des
            plus nobles vertus militaires à l’instar d’un chevalier légendaire. Il mérite pleinement par l’entretien glorieux
                                                                                        e
            de sa mémoire d’être mis en exemple pour nos jeunes élèves sous-officiers de la 300  promotion.
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