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uand débute l'année 1953, la guerre d'Indochine se prolonge déjà depuis
Q
sept ans. Les forces terrestres d'Extrême-Orient, qui interviennent au Viêt-
Nam mais aussi au Laos et au Cambodge, comptent alors 120 000 hommes
auxquels il faut ajouter 50 000 soldats autochtones. Face à ce corps expéditionnaire français
commandé par les généraux Salan puis Navarre, et face aux jeunes armées des Etats
associés en cours de formation, le Viêt-Minh se renforce sans cesse, puissamment aidé par la
Chine communiste.
En début d'année, les troupes viêt-minh de Giap envahissent le Laos et menacent
Luang Prabang. Devant la réaction des forces de l'Union Française, l'adversaire doit se retirer
mais il continue à exercer sa pression sur le delta du Tonkin et sur les hauts plateaux du
centre. Tout en poursuivant les tâches de pacification, le commandement français tente de
desserrer l'étreinte adverse. Il mène les opérations « Toulouse » et « Camargue » en
débarquant des troupes sur les côtes d'Annam, l'opération aéroportée « Hirondelle » sur
Langson, les opérations « Brochet » et « Mouette » dans le delta du Tonkin. En fin d'année,
l'opération « Castor » permet de réoccuper la plaine de Dîen Bîen Phu pour tenter de parer à
une nouvelle menace viêt-minh sur le Laos.
Dans le contexte si particulier de ce conflit lointain où les troupes françaises luttent
avec des moyens comptés, les sous-officiers du corps expéditionnaire jouent un rôle essentiel.
L'encadrement restreint des unités les conduit souvent à occuper des fonctions de l'échelon
hiérarchique supérieur. Beaucoup, s'étant fait remarquer par leur allant et leur savoir-faire,
deviennent ainsi chefs de section ou de peloton. Certains, au sein des maquis créés sur les
arrières du Viêt-Minh, commandent plusieurs centaines de partisans armés.
Ils sont nombreux aussi à être chefs de poste, les impératifs de la pacification
nécessitant de multiplier les petits postes au contact des villages et sur les principaux axes de
communication. Isolés du restant de leur unité, ces sous-officiers chefs de poste doivent
supporter tout le poids des responsabilités. Vivants au milieu des autochtones dont ils
assurent la sécurité, ils seront tour à tour bâtisseurs, administrateurs, organisateurs de
marché, d'école ou d'infirmerie, tout en conduisant les patrouilles et les ouvertures de route.
Au contact direct des hommes et du terrain, dans la jungle ou en pays de rizières,
les sous-officiers du corps expéditionnaire doivent multiplier les initiatives et rechercher sans
cesse les solutions adaptées pour contrer l'adversaire. Qu'ils soient fantassins ou cavaliers,
artilleurs, sapeurs, transmetteurs ou du train, qu'ils appartiennent au service de santé, du
matériel ou à l'intendance, leur action personnelle a été déterminante en de multiples
occasions. Héritiers de Lyautey, ils ont œuvré pour ramener la paix au sein de ces populations
auxquelles ils se sont vite attachés. L'un de ces sous-officiers, jeune sergent à l'époque,
écrivait : « quand le bruit des armes se sera tu, quand la paix à nouveau se sera installée, il
faudra que nous sachions comprendre, oublier et panser les plaies de ce pays où trop de gens
ont semé la haine. C'est le seul moyen de ne pas rendre inutile le sacrifice de tous ces morts,
Français et Annamites ». Peu de temps après avoir écrit ces lignes, ce sergent lui-même était
tué en opération.
En évoquant l'abnégation et l'esprit de sacrifice de tous ces cadres, le général de
Linarès s'exprimait ainsi, en mai 1953, avant de quitter son commandement au Tonkin :
« Votre œuvre m'apparaît grande et belle car aucun désir de conquête ou de
privilège ne vous anime. Vous ne vous battez pas pour vous mais pour ces jeunesses
nationales cambodgienne, laotienne, vietnamienne qui mettent toute leur énergie à apprendre
à vos côtés le rude métier des armes afin de sauver la liberté de leur pays ».
Cinquante ans plus tard, il est juste d'honorer la mémoire de ces sous-officiers qui,
dans les combats de la guerre d'Indochine, ont offert leur vie pour la France et les valeurs
qu'elle incarne.