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retrouvons en Afrique du Nord. Affecté au 2ème Bataillon du 24ème R. I.C., ses antécédents
et ses qualités remarquables le font immédiatement désigner comme chef du commando de
cette unité.
Dans ce nouveau commandement, KODJA se montre digne de son passé, toujours prêt
pour n'importe quelle mission, il paie constamment d'exemple. Chef de guerre remarquable
doté à un rare degré de toutes les qualités qui caractérisent le combattant de contre-guérilla :
initiative, astuce, audace, bon sens, mépris du danger, parfaite rectitude morale, simplicité,
grandeur d’âme, courage indomptable. Il s'impose d'emblée à. ses hommes, les galvanise et
réussit à faire de son commando, composé de cinq ou six européens et d'une vingtaine de
harkis, un remarquable instrument de combat particulièrement redouté des rebelles.
A 27 ans, le sergent-chef KODJA obtient sa dixième citation et est promu le 28 août
1956, Chevalier de la Légion d'Honneur. Il n'a que huit ans et demi de service.
Ne se laissant pas griser par ses succès dont il pourrait pourtant être légitimement fier,
KODJA cherche à faire mieux encore. Il commande et entraine ses hommes au combat avec
un brio de plus en plus remarquable. Utilisant de multiples procédés de camouflage : en
rebelles, en nomades, même en femmes, il dissimule son commando pendant des journées
entières dans des creux de roches, sous des arbres, derrière des touffes d'herbes, dans des
dunes. Chef hardi mais prudent, il pousse des reconnaissances profondes de jour et de nuit
dans des régions telles que l'ARZEG, l'AMMAR KRADDOU, le ZELLATOU, le LABRAGUA,
le MODDIANE et chacun évoque ce que ces noms représentent de traitrise et de fatigue …
Traquant impitoyablement et sans répit le rebelle, le poursuivant sans relâche, avec une
rare audace et jusque dans ses repaires les plus inexpugnables ou les plus lointains, il inflige
aux hors-la-loi des pertes se traduisant par des bilans éloquents, qui lui valent sa nomination
au grade d'adjudant et deux nouvelles citations, l'une au corps d'armée, et l'autre à l'armée.
Dans la nuit du 5 au 6 février, il est à nouveau dans l'ombre, veillant sur la sécurité de
ses hommes qui reposent pour la première fois au cours d'un raid qui dure depuis plus de 36
heures.
Sous la pâle clarté du ciel étoilé il aperçoit des ombres qui s'avancent. Lucide, tranquille,
le corps et l'esprit tendus par la nouvelle occasion qui s'offre à lui, KODJA réveille
discrètement ses hommes et les prépare à l'action brutale et directe dont il a le secret.
Dans le corps à corps, il va tomber grièvement blessé, continuant à commander par le
rayonnement dont il a su imprégner ses hommes. Son corps, d'où s'échappe peu à peu la vie,
devient le centre d'un combat héroïquement obscur.
À pas lents et comptés, la mort s'approche de KODJA, mais on croirait entendre l'hymne
qui a si souvent bercé son rêve de Marsouin, sous les Tropiques comme dans les Djebels :
« Et notre regret unanime,
Chère France, 0 pays sublime,
Est de n’avoir pour Toi,
Qu'une vie à donner. »
La Croix d'Officier de la Légion d'Honneur est la distinction ultime que le Colonel
commandant le 24eme R.I.C., épingle sur le cercueil de celui qui rejoint à coup sûr les grands
noms de notre épopée coloniale.