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Adjudant-chef Lucien GILBERT


                    ucien Gilbert naît le 14 décembre 1900 à Champagné-les-Marais en Vendée, fief de sa famille maternelle. Il est le fils d’Ernest
                 LGilbert, aubergiste, et de Berthe Savarieau, secrétaire au 111  régiment d’artillerie de Luçon dans les années 1920.
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                 Lucien est un adolescent de 14 ans quand la Première Guerre mondiale éclate. Il assiste aux départs des pères de ses camarades
           envoyés sur le front pour combattre l’envahisseur allemand. Il reste marqué par les scènes tragiques des familles endeuillées. Son propre
           père, réformé en 1899 du fait d’une pleurésie, est lui aussi mobilisé en aout 1914. Il meurt de maladie en mars 1915.
                 Quelques années plus tard, Lucien décide de s’engager au titre du 77  régiment d’infanterie de Cholet. Il y est nommé caporal le
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           1   mai 1921 puis sergent le 23 mars 1922. Il se marie 5 mois plus tard avec Andrée Marie Jane Braud dont le frère Théophile, caporal au
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           33  régiment d’infanterie coloniale, est « Mort pour la France » dans la Somme en 1916.
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                 Le 18 septembre 1922 il rengage au 169  régiment d’infanterie basé à Thionville puis le 10 avril 1923 au 171  régiment d’infanterie
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           alors basé rive gauche du Rhin, les troupes françaises occupant une partie du territoire allemand suite au traité de Versailles.
                 Le 21 juin 1923, le sergent Lucien Gilbert sert au 510  régiment de chars de combat (RCC). Il rejoint « ceux des chars ». D’abord
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           arme secrète, les chars ont immédiatement suscité curiosité et admiration dès leur première apparition à la fin de la Grande Guerre. Il est
           nommé sergent-major le 20 novembre 1926 puis est admis dans le corps des sous-officiers de carrière en 1928.
                 Le 6 mai 1931 naît son deuxième enfant, sa fille Christiane, après la naissance de son fils Maurice quelques années auparavant.
                 Le 1  mai 1935, le sergent-major Gilbert est nommé adjudant et sert au 505  régiment de char de combat (RCC) de Vannes aux
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           ordres du colonel Delestraint. Il est admis « spécialiste mécanicien pilote » le 1  janvier 1938 et est nommé au grade d’adjudant-chef le
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           15 mars de la même année.
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                 Le 1  septembre 1939, l’Allemagne envahit la Pologne et la France déclare la guerre à l’Allemagne le 3 septembre.
                 Fin aout 1939, le 505  régiment de chars de combat est dissous et le 27  bataillon de chars de combat (BCC) est créé à Vannes.
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           L’adjudant-chef Gilbert intègre le 9 septembre cette nouvelle unité équipée de 45 chars H38 – H39 aux ordres du commandant Aubert.
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           commandant en chef le front du nord-est. Le 27  vient ainsi compléter une formation capable de briser les attaques des divisions Panzers
           ennemies.
                 Le 10 mai 1940 débute les opérations du plan jaune (Fall Gelb) qui se traduit par l’offensive éclair allemande contre les Pays-
           Bas, la Belgique, le Luxembourg et la France, mettant fin à la « drôle de guerre » et marquant le début de la bataille de France. L’ennemi
           attaquant les positions françaises sur la Meuse dans la région de Sedan et Dinan, la 2  division cuirassée est mis en alerte le 11 mai
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           et reçoit l’ordre de faire mouvement le 13 au soir vers Rethel, Novion-Porcien et Hirson dans l’Aisne. Le 14 mai, les unités reçoivent la
           mission de stopper le déferlement ennemi et d’assurer la défense de nombreux ponts parfois très éloignés les uns des autres, obligeant
           la division à se disperser sur le terrain.
                 Le 15 mai, la 2  division cuirassée dont le 27  BCC se heurte à la 2  Panzer division et est violemment engagée : le contexte
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           devient de plus en plus dramatique. Tronçonnée et tiraillée constamment par la complexité de la situation tactique, elle ne peut se
           regrouper et donc anéantir les formations blindées ennemies se ruant dans la brèche ouverte entre les IX  et II  armées.
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                 Le 17 mai, la 2  division cuirassée est toujours aussi dispersée. Les ponts de l’Oise subissent d’âpres combats. Les chars sont
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           détruits par l’ennemi, tombent en panne mécanique ou s’arrêtent, faute de carburant.
                 Le 18 mai vers 17 heures, l’adjudant-chef Gilbert reçoit l’ordre de quitter sa position de Wassigny, le PC du 27  BCC étant encerclé
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           par l’ennemi. Il donne l’ordre de démonter les mitrailleuses des chars abandonnés et de les monter sur les voitures « Lorraine ». Son
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           intention est de couper le cercle ennemi aux alentours de Saint-Quentin (Aisne). Il est rejoint par des éléments du 8  BCC dont le sous-
           lieutenant de Riberolles, en panne de char, formant un convoi où s’entasse une soixantaine de soldats de différentes unités.
                 Ils partent en direction de Bohain-Fresnoy-le-Grand. L’ennemi est partout. Ils roulent vite mais subissent déjà la mitraille adverse.
           Soudain aux abords de Brancourt-le-Grand, alors qu’ils ont déjà forcé des positions allemandes, un barrage anti-chars leur bloque la
           route. Le convoi fonce, usant de leurs mitrailleuses pour tenter l’impossible mais la riposte ennemie atteint la voiture de tête de l’adjudant-
           chef, le tuant ainsi que son conducteur le soldat Ricouard. Le reste du convoi subit le même sort, ne laissant que peu de survivants.
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                 Submergée par la puissance blindée et la rapidité des unités allemandes, la 2  division cuirassée de réserve subit partout de
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           comptait la division 5 jours plus tôt. Le 27  BCC ne survit pas. L’imbrication a été telle que l’adjudant-chef Lucien Gilbert est porté disparu
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           pendant plusieurs années. N’ayant plus de nouvelle de son mari depuis le 15 mai 1940, Andrée Braud son épouse, l’espérant prisonnier
           mais vivant, fait appel le 12 mai 1941 à l’ambassadeur de France Georges Scapini pour le retrouver. Elle apprendra plus tard la terrible
           nouvelle.
                 Le 21 novembre 1946, l’adjudant-chef Lucien Gilbert « Mort pour la France » est cité à l’ordre de l’armée, comportant l’attribution
           de la Croix de guerre 1939-1945 avec palme. 5 ans plus tard, il est nommé au grade de chevalier dans l’ordre national de la Légion  Tous droits réservés DRHAT / ENSOA © 2023 - Création ENSOA-Com : 18-2023 - Impression : cellule SOP ENSOA 23-0000
           d’honneur.
                 Quant à son fils Maurice né en 1923, il est « enfant de troupe » dés l’âge de 14 ans. Désirant poursuivre l’engagement de son père,
           il rejoint le 8  régiment d’infanterie à 17 ans. Il rallie ensuite le 3 octobre 1943 le fameux corps franc Pommiès (CFP). Jeune caporal-chef
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           au sein de la section de l’adjudant Lucien Perrad, il assure la sécurité d’une réunion secrète de chefs du CFP. Au petit matin, ayant été
           dénoncé, une compagnie allemande encercle la ferme. Il est capturé ce 10 juillet 1944 comme dix de ses jeunes camarades et est fusillé
           le jour même. Il avait 20 ans.
                 À titre posthume, il sera promu au grade de sergent, et lui sera conféré la Médaille militaire et la Croix de guerre 1939-1945 avec
           palme.
                 Sur le monument aux morts de Nieul-sur-l'Autise en Vendée où résidaient son épouse et sa fille, figure le nom de l’adjudant-chef
           Gilbert et celui de son fils Maurice Gilbert, tout deux « Mort pour la France ».
                 Sur le monument de Luçon (Vendée) figure au dessous du sien, le nom de son demi-frère Robert Savarieau (1917-1945), lui aussi
           « Mort pour la France » en Indochine lors de l’invasion des japonais.
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