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Le sergent HOFF,
un destin extraordinaire
traité de paix est signé ; et le 10 mars 1871 le sergent
Hoff est libéré, toujours sous son nom d’emprunt. Il fait
partie du premier convoi de prisonniers libérés.
Hélas, en France la situation a empiré, la guerre
civile fait rage. En arrivant à Cambrai, il est incorporé,
sous son grade et son nom, dans le corps d’armée du
général Clinchamp pour marcher contre la Commune.
Son esprit combattif l’emporte sur ses interro-
gations : qu’est devenu son pays où on se bat entre
Français ? Il est très rapidement blessé lors de l’at-
taque d’une barricade, rue de Lisbonne à Paris. Atteint
au bras gauche il est évacué vers un hôpital militaire.
Dès la fin de sa convalescence, il demande
réparation, entre autres à « Paris Journal » pour les
Dans la précédente lettre (N° 21), nous avons pu articles malveillants le concernant, publiés pendant sa
constater comment le sergent Hoff a vu sa vie basculer captivité. Il obtient gain de cause et plusieurs journaux
en 1870. Il prend une part active dans la guerre enga- publient des démentis officiels dans leurs feuilles du
gée contre les Prussiens, en franc-tireur d’abord puis à soir.
la tête d’une troupe d’hommes aussi résolus que lui à La vie du sergent Hoff bascule de nouveau et il
déstabiliser l’ennemi. Décoré de la Légion d’honneur, va alors vivre une période difficile. Modeste, il a tou-
connu de tous grâce aux articles de journaux, pour les jours refusé les honneurs, qu’il estimait disproportion-
Français, il est un héros. Cependant, sa tête est mise nés. Mutilé militaire, il est d’abord gardien au Bois de
à prix par les Prussiens ce qui ne l’empêche pas de Boulogne puis au square du Trocadéro. Ses blessures
mener diverses actions contre eux. le font souffrir et il vit d’une maigre pension.
Fin novembre 1870, lors de la bataille de Cham- Heureusement, averti de sa condition, le pré-
pigny, il est malheureusement fait prisonnier. Aussitôt, sident Mac Mahon intervient et il le fait nommer
il prend toutes les mesures nécessaires pour se fondre gardien de la Colonne Vendôme puis, en 1881 il
dans la masse des captifs : il arrache ses galons et, devient gardien-chef de l’Arc de Triomphe avec le
pour ses hommes et ceux pris en même temps que lui, grade d’adjudant. Il peut alors vivre assez conforta-
il est un Alsacien de Colmar qui s’appelle Wolf. blement et ce, jusqu’à sa mort le 25 mai 1902.
Il est envoyé, comme bien d’autres, au camp Ses obsèques seront payées par le ministère de
de Grimbert près de Cologne. Pendant trois mois, il la Guerre, des délégations de tous les régiments de
va être obligé, en plus de sa condition de prisonnier, la garnison de Paris accompagneront son cercueil
de se méfier de tous. Les Prussiens le cherchent et au cimetière du Père Lachaise. Son tombeau est
tentent de le démasquer à tout prix. Durant de longues surmonté d’une statue de Bartholdi (financée par sous-
semaines, il est enfermé, seul dans un cachot et pressé cription publique) dont ce sera la dernière œuvre.
de questions. Ses ennemis usent de stratagèmes pour En 1910 le conseil municipal de Paris, donne le
le surprendre mais, aidé par un certain nombre d’offi- nom du sergent Hoff à une rue du XVII arrondisse-
e
ciers, sous-officiers et soldats de sa connaissance, il ment. La ville de Bry-sur-Marne, sur souscription pu-
réussit à ne jamais être pris en défaut. Il lui faut une blique élèvera également un monument à la gloire du
volonté jamais défaillante pour déjouer tous les pièges vieux soldat.
et imposer sa nouvelle identité : il est Alsacien de Personnage atypique, longtemps ignoré puis
Colmar et se nomme Wolf ! adulé, vilipendé, de nouveau reconnu mais proche de
Durant cette période, il comprend que sa dispari- la misère, ce n’est qu’à la fin de sa vie que ses mérites
tion des troupes françaises alimente une rumeur, puis lui valent la reconnaissance de ses contemporains.
une accusation : il serait un espion allemand du nom Héros d’une guerre parfois oubliée, la posté-
de Hentzel qui aurait rejoint les troupes ennemies. rité n’a pas toujours été à la hauteur des mérites du
En effet, malgré les dénégations de ses amis et sergent Hoff.
subordonnés, les journaux français de l’époque relaient
et amplifient cette accusation. Après l’avoir adulé, ils Lieutenant-colonel Riera J.-C.
(H)
le salissent sans mener de véritables enquêtes. Le
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